Intervention de Anne Courrèges

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

Je vais peut-être vous répondre un peu crûment, mais mon silence sur l'intelligence artificielle est volontaire puisque comme je l'ai dit dès le début, l'Agence a un objet spécialisé qui n'inclut pas l'intelligence artificielle. L'Agence n'a donc pas d'expertise particulière, elle utilise les potentialités de l'intelligence artificielle comme tout un chacun, sans rôle spécifique. J'évoquais les domaines des neurosciences et des nanobiotechnologies : avec l'intelligence artificielle, nous nous en éloignons encore plus. L'Agence n'a pas cette compétence et n'aurait aucune valeur ajoutée ? Nous avions eu une discussion similaire lorsque la mission nous avait été confiée de labelliser les tests génétiques. Ce n'est pas le rôle de l'Agence de la biomédecine, elle n'a pas de fonction dans ce domaine de labellisation des dispositifs médicaux ou autres. Une autre autorité, l'ANSM, est plus compétente sur ces sujets. L'Agence n'a donc pas de réflexion particulière dans ces domaines. Serait-il opportun qu'elle l'ait ? C'est à vous de trancher cette question, que vous poserez sans doute au ministère. En tout cas, au vu de l'organisation et du fonctionnement de l'Agence par rapport à la cohérence de ses différentes missions, la question ne s'est pas posée.

Les moyens et les mesures d'accompagnement seront bien évidemment un sujet majeur pour nous comme pour tous les acteurs concernés. Nous pensons pouvoir compter sur le soutien du ministère de la Santé, qui nous en a d'ores et déjà assuré sur un certain nombre d'axes. J'évoquais les campagnes de communication pour lesquelles un soutien financier est déjà prévu ; de la même façon, il est évident que la mise en place du registre a un coût pour nous et pour les établissements qui seront amenés à saisir les données. Je rappelle que les personnes sont prises en charge dans des services de soins et non pas à l'Agence de la biomédecine, qui n'est ni un établissement de santé ni un service de santé. Les données sont donc d'abord recueillies dans les établissements de santé et remontent ensuite à l'Agence. Des études de coûts devront être menées, comme nous l'avons fait chaque fois que nous avons mis en œuvre un nouveau registre, ce qui suppose que le cadre législatif soit stabilisé. La nature des données qui seront recueillies, l'ampleur du registre, la durée de conservation des données auront des conséquences sur le paramétrage et donc le calibrage in fine des moyens nécessaires pour mettre en place le registre.

De plus, les mesures d'accompagnement seront essentielles. Ainsi que je l'indiquais lorsque j'évoquais l'assistance médicale à la procréation, l'ensemble des professionnels, les parties prenantes des associations et les agences régionales de santé devront réfléchir le plus en amont possible à toutes les mesures d'accompagnement nécessaires, qui parfois sont des adaptations réglementaires, parfois sont des mesures très pratiques et très concrètes. Nous commençons cette réflexion et elle se poursuivra pendant tout le temps de vos débats législatifs pour assurer une mise en œuvre efficace et rapide des dispositions qui seront votées. Je souligne que cette réflexion est menée sous l'égide du ministère de la Santé, qui a un rôle éminent dans ce domaine.

Je pensais avoir répondu aux banques de gamètes sur internet, peut-être n'ai-je pas été suffisamment précise. Le fait d'importer des gamètes issues de ces banques hors des deux cas de la poursuite du projet parental et de la préservation de la fertilité est bien évidemment illégal. Nous rencontrons le même problème pour les tests génétiques : des stratégies de contournement se sont mises en place. Je vous rejoins totalement : lorsqu'on fait appel à des gamètes en provenance de l'étranger, a fortiori dans un cadre commercial, on ne bénéficie pas de la garantie apportée par le système français en matière de sécurité, de qualité, mais aussi de traçabilité. Comment faire pour revenir vers les personnes intéressées ? Nous ne les connaissons pas puisqu'elles sont passées hors des circuits. La « banque commerciale » est supposée revenir vers ses clients, mais nous n'avons aucun moyen d'assurer l'effectivité de ce retour. Cette question est extrêmement importante. Vous me donnez d'ailleurs l'occasion d'alerter les personnes qui ont recours à ce type de possibilité non légale en soulignant qu'il existe de potentielles conséquences pour elles. Toute la garantie du système français n'existe plus avec ce système.

Les textes réglementaires seront amenés à préciser les conditions et les délais de l'autoconservation hors indication médicale. Il s'agit là de questions de société. Je suppose que vous pourrez poser cette question à la ministre de la Santé quand vous aurez l'occasion de la recevoir. Nous serons bien évidemment amenés à apporter de la documentation sur ces questions, nourrie à la fois de ce qui peut se passer à l'étranger et d'analyses médicales, y compris sur les conditions de baisse de fertilité et des risques associés en fonction de l'âge, que ce soit pour l'enfant à naître ou pour la mère. Une dimension sociologique est également à relever en l'occurrence.

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