Intervention de Anne Courrèges

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

En France, l'encadrement des tests génétiques est assez élaboré. Je rappelle que les tests génétiques en ligne sont interdits et que pour accéder à un test génétique, il faut une prescription médicale et entrer dans un circuit médical spécialisé incluant éventuellement du conseil génétique. Ce n'est pas un système en « libre-service », au contraire. La spécificité et la sensibilité de la donnée génétique pour vous et pour autrui, vos proches en l'occurrence, ont conduit à un encadrement particulièrement élaboré. Le texte vise à étendre ces garanties à d'autres situations où nous pourrions avoir accès à des données génétiques : j'ai évoqué l'oncologie, mais c'est aussi valable dans la recherche où des collections permettent l'avancée des connaissances et peuvent révéler des données génétiques vous concernant pour lesquelles il peut être important d'entrer dans le circuit traditionnel de prise en charge des anomalies génétiques, avec toutes les incertitudes qui y sont associées. Il est nécessaire d'avoir une certaine modestie dans l'interprétation de la donnée génétique et dans les enseignements que nous pouvons en tirer. Dans ce domaine, la connaissance et la technique progressent tous les jours.

La limitation du nombre d'embryons surnuméraires reste une obligation particulièrement forte dans les techniques d'AMP. Cela doit reposer en premier lieu sur les techniques d'AMP. C'est généralement à ce niveau-là qu'il faut agir pour être efficace et c'est une préoccupation très forte des professionnels de l'AMP, ainsi que l'accompagnement des couples dans ce domaine.

L'infertilité est un sujet majeur dont l'Agence n'a pas la responsabilité mais qui est complémentaire de tout ce que nous faisons. Chaque fois que nous évoquons la promotion du don d'organes, notre ambition est de promouvoir les greffes afin de répondre aux besoins de la population en attente de greffe. Or sans politique de prévention pour limiter le diabète, l'hypertension artérielle ou ce genre de pathologie, nous continuerons à avoir de plus en plus de personnes qui seront en attente de greffe. Il est important de réfléchir à tous les leviers même si ce domaine ne relève pas directement des compétences de l'Agence.

La promotion du don est fondamentale. Dans ses missions légales, l'Agence a des fonctions opérationnelles et des fonctions de promotion des dons, ce qui est une particularité pour une agence sanitaire. Nous menons des campagnes du don d'organes, du don de gamètes, du don de cellules souches hématopoïétiques, ce qui se traduit le plus souvent par des campagnes nationales. Depuis 2015, nous utilisons la radio pour le don de gamètes, par exemple. En matière de promotion du don de gamète, il y a une forte dimension pédagogique. La radio est un média qui attire plus l'attention et qui permet d'avoir ce temps pédagogique. Des campagnes numériques sont également menées car le donneur de gamètes que nous recherchons a un profil généralement plus jeune que dans d'autres types de dons. Les réseaux sociaux et les campagnes numériques sont donc fondamentaux. S'agissant du don d'organes, nous effectuons des campagnes à la télévision parce qu'il s'agit bien de toucher tout le monde, il n'y a pas d'âge pour donner. Le travail engagé par les associations sur le terrain est complémentaire de nos actions, de même que ce que réalisent les professionnels de santé.

Il faut toujours réussir à faire du national, à la fois pour donner les informations et pour créer un climat de confiance. Il est essentiel de garder la confiance du grand public, car sans confiance, nous ne pouvons plus fonctionner. En outre, des actions de terrain sont lancées. Ces dispositifs sont complémentaires. Les professionnels de santé ont un rôle à jouer pour donner de l'information et éventuellement pour engager des actions de promotion. Nous sommes plusieurs à œuvrer dans ce domaine, c'est essentiel.

Concernant l'AMP post mortem, compte tenu de ce que j'ai souligné sur le devoir de réserve de l'Agence, je vous invite à poser cette question à la ministre de la Santé.

Le projet de loi ne prévoit pas de lever l'anonymat en matière de dons de gamètes. Il ouvre la possibilité pour l'enfant né de don devenu majeur de faire valoir un nouveau droit, celui d'accéder à l'identité de son donneur. Le don reste bien anonyme, altruiste, non dirigé. La difficulté consiste à passer d'un système où le donneur fait un don, non seulement anonyme, mais sans accès aux origines, à un système où le don reste anonyme mais est associé d'un droit d'accès aux origines qui serait actionné à partir de la majorité de l'enfant né du don. Le Conseil d'État a beaucoup aidé la réflexion collective pour la gestion de cette transition.

À partir du moment où il paraît difficile de faire coexister les deux régimes, il est nécessaire d'organiser la transition. Dans un premier temps, il conviendra de mettre en place le registre avant d'envisager un recrutement de donneurs « nouveau régime ». Si nous n'avons pas de moyens de les inscrire sur le registre, un élément manquera. Pendant la période transitoire, le stock existant de gamètes de donneurs anonymes sans accès aux origines sera utilisé. Rappelons que du temps est nécessaire pour que les spermatozoïdes puissent être proposés : un donneur doit en effet effectuer des examens médicaux, puis le prélèvement. Nous commencerons alors à constituer un stock de gamètes du nouveau régime qui aura vocation à être utilisé ultérieurement. Le moment venu, le stock résiduel d'anciens gamètes ne pourra plus être utilisé et nous utiliserons le nouveau stock. Ce système est complexe parce que la question juridique sous-jacente l'est également.

Lors du séminaire de bioéthique, j'avais bien insisté sur l'importance des dispositions transitoires, d'autant que les différences entre les deux régimes portent sur des points sensibles. Je ne doute pas de l'attention particulière qui sera portée par le législateur aux dispositions transitoires.

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