Intervention de Pr Nathalie Rives

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Nathalie Rives, présidente de la Fédération française des CECOS, responsable du CECOS Rouen Normandie, cheffe du service du laboratoire de biologie de la reproduction – CECOS CHU Rouen-Normandie :

Dans un premier temps, nous souhaitons indiquer que le projet de loi relatif à la bioéthique offre de nouvelles perspectives qui concernent l'assistance médicale à la procréation (AMP) auxquelles la majorité des professionnels est tout à fait favorable. Il s'agit des possibilités d'extension de l'AMP avec tiers donneur aux couples de femmes et aux femmes seules. Après de longues années d'attente cela permettra d'offrir à ces femmes des possibilités de prise en charge comparables à celles des couples infertiles. Le projet autorise, sans l'encourager, la possibilité de conservation ovocytaire hors indication médicale. Un certain nombre de critères seront définis par décret ultérieurement. Il pose aussi les principes d'une limite à l'âge de procréer, à définir plus précisément, et ceci aura un impact pour la conservation des gamètes et des embryons. Il prévoit également d'ouvrir l'utilisation des tissus germinaux pour une restauration de la fonction hormonale, en dehors du procédé de greffe pour restaurer la fertilité

Par ailleurs, le projet maintient de grands principes fondamentaux relatifs à l'AMP avec tiers donneur, notamment le principe de gratuité et de non-marchandisation, déclinaison de la non-marchandisation des éléments et produits du corps humain. Le projet de loi apporte un certain nombre de modifications relatives à l'AMP avec tiers donneur et au principe de filiation sur lesquelles l'ensemble des professionnels émet un avis favorable, défavorable ou réservé. Nous sommes favorables à la transmission de données non identifiantes au jeune majeur conçu par don. Nous avons un avis beaucoup plus réservé sur la transmission de l'identité du donneur. Nous sommes favorables – nous l'avions d'ailleurs proposé – à la constitution d'un registre national des donneurs qui permettra de gérer l'ensemble de ces éléments et qui, sur le long terme, aura certainement d'autres missions. Nous sommes également favorables à la constitution d'une commission pour la transmission des données non identifiantes et de l'identité du donneur, qui ne serait pas une extension du Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP). Le projet de loi propose par ailleurs un mode de filiation réservé aux couples de femmes, mais qui, dans le cadre du projet discuté au Conseil d'État, l'envisageait pour les couples infertiles et les femmes seules : une déclaration anticipée de volonté avec inscription en marge de l'acte intégral de naissance, à laquelle nous sommes complètement opposés puisque cela ne respecte pas les grands principes de notre République que sont l'égalité, la fraternité et la liberté et aussi le principe de non discrimination selon la naissance, voire l'origine ainsi indiquée quelle qu'elle soit.

Il définit également l'ensemble des propositions uniquement dans l'intérêt suprême de l'enfant, que nous défendons. Malheureusement, dans ce projet de loi, il y a de grands oubliés que sont l'intérêt du donneur et l'intérêt des parents ou du parent, ce qui mériterait très certainement des ajustements sans forcément bouleverser tout le projet.

Celui-ci n'a malheureusement pas mis l'accent sur un certain nombre d'éléments auxquels nous sommes particulièrement attachés ; il n'y a rien sur l'infertilité : la notion d'infertilité de couple a complètement disparu. Nous sommes favorables à l'extension aux couples de femmes et aux femmes seules, mais je pense que la mention « d'infertilité » mériterait d'être mentionnée à nouveau, parce que nous avons des craintes pour la prévention et la recherche dans les domaines de l'infertilité et de l'embryologie, voire de l'assistance médicale à la procréation. Ce point peut bien sûr ne pas faire partie du texte de loi lui-même, mais un certain nombre d'actions doivent être prévues dans l'application de la loi.

Le projet ne mentionne pas non plus la nécessité de la formation qui doit être associée à la conservation ovocytaire et spermatique, hors indication médicale, sur la baisse de la fertilité liée à l'âge, mais aussi sur l'âge auquel on souhaite accéder à la parentalité.

Bien sûr, le projet combine un ensemble de propositions qui émanent de réflexions éthiques, scientifiques, de décisions politiques, mais il faut anticiper les conditions de leur mise en œuvre pratique. Ce sont des moyens humains et matériels, mais pas uniquement parce qu'un certain nombre de dispositions nécessitent des accompagnements juridiques.

Pour l'AMP avec tiers donneur, la disponibilité des gamètes devra être prise en considération pour éviter d'entendre en permanence le risque de pénurie. Notez qu'à l'heure actuelle, on ne peut pas parler de pénurie de spermatozoïdes ; nous sommes plutôt en flux tendu ou en crainte de pénurie éventuelle. La situation est plus difficile pour le don d'ovocytes, voire l'accueil d'embryons. Il convient d'éviter qu'une pénurie n'apparaisse et que cette loi n'offre pas ce qu'elle prétend offrir aux couples de femmes et aux femmes seules.

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