Intervention de Pr Michaël Grynberg

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Michaël Grynberg, chef du service de Médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l'hôpital Antoine-Béclère :

Ce projet de loi et les avancées qu'on peut en attendre sont un enjeu crucial pour nous, en médecine de la reproduction. Il faut tout de même replacer les choses dans leur contexte : aujourd'hui, l'assistance médicale à la procréation est une médecine qui ne marche pas bien, notamment en France, avec des taux de succès qui sont relativement faibles. En matière de recherche, nous ne sommes pas très brillants. Si nous avons plutôt été pionniers dans l'AMP, nous ne le sommes plus du tout aujourd'hui pour diverses raisons, y compris législatives. Ce projet doit nous permettre d'avancer à plusieurs niveaux, certes pour ouvrir à des problématiques sociétales et à des demandes tout à fait légitimes, mais également pour permettre un accès plus aisé à l'innovation, qui est particulièrement compliqué aujourd'hui.

Nous devons absolument autoriser un accès égalitaire à l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes célibataires, en couple ou couples hétérosexuels, qu'il n'y ait aucune discrimination. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Je relève toutefois dans le projet de loi que des consultations psychologiques doivent être réalisées pour les femmes célibataires ou les femmes homosexuelles, ce qui n'est pas le cas pour les couples hétérosexuels – cela doit donc être fait différemment. En tout cas, la demande doit être réfléchie avec l'équipe médicale, qui sera à même de juger si oui ou non, il est nécessaire de proposer cette consultation psychologique.

Il est tout à fait normal d'ouvrir l'autoconservation ovocytaire aux femmes qui n'ont pas de problème médical : nous n'avons pas d'autres moyens de lutter contre l'infertilité liée à l'âge, qui est un véritable problème. La seule avancée technique est la vitrification ovocytaire.

Dans le projet de loi, j'ai relevé des paramètres d'âge, avec un remboursement possible entre 32 ans et 37 ans, ce qui n'est pas du tout entendable. On a l'impression que cette décision est prise sur des perspectives de taux de succès éventuels et, surtout, en fonction de problématiques de remboursement. Il nous faut dissocier le remboursement et l'autorisation. D'ailleurs, après 43 ans, l'AMP n'est pas interdite, mais elle n'est plus prise en charge. De quelle manière pourrions-nous dire qu'on interdit l'autoconservation à partir de 37 ans ? Cela n'a pas de sens, d'autant qu'à des femmes qui ont des cancers, ce sera autorisé éventuellement jusqu'à 40 ans, voire au-delà. Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir ainsi, d'autant que les femmes qui présentent une pathologie ont peut-être une qualité ovocytaire altérée et ont peut-être même moins de chances d'enfanter que les femmes qui le feraient pour raison sociétale.

Je laisserai Thomas Fréour s'exprimer sur les problématiques plus biologiques, mais je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur l'innovation. Notez que l'innovation en France est particulièrement compliquée. Dès lors que des nouveautés apparaissent dans le domaine de la médecine de la reproduction, en France, nous sommes trop limités pour y avoir accès. C'est une perte de chances pour nos patients. Nous avons l'impression que le screening génétique des aneuploïdies n'est pas envisagé dans ce projet de loi. C'est pourtant une vraie avancée pour les couples, pour éviter de leur faire perdre du temps, pour arriver plus vite au succès ou les orienter plus rapidement vers d'autres alternatives, et enfin pour la recherche. Quand on évalue des taux de succès pour les grossesses, on est confronté un biais car on ne sait pas si on a mis des embryons bons génétiquement ou non. Nous biaisons toutes nos recherches et sommes limités par rapport aux pays voisins.

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