Intervention de Pr Michaël Grynberg

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Michaël Grynberg, chef du service de Médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l'hôpital Antoine-Béclère :

Je m'étonne qu'on ait encore besoin de demander un PHRC alors que des données de littérature très abondantes vont dans le sens de l'intérêt de cette technique. C'est précisément ce que je soulignais tout à l'heure : dans le système français, il faut revalider sans cesse une innovation. Vous savez comme moi que pour mettre en place un PHRC, pour récupérer les financements, cinq ans seront nécessaires avant que l'étude puisse sortir. Nous faisons perdre cinq années à nos couples, ce qui est éthiquement très discutable là où une littérature très abondante met en avant l'intérêt de ces techniques. Cependant, je ne dis pas que toutes les FIV doivent donner lieu à un DPIA : il faut encadrer son usage.

Vous posiez une question sur le nombre de couples infertiles et l'évolution de l'infertilité. Nous avons de plus en plus de consultations, c'est un fait. Malheureusement, l'infertilité est particulièrement compliquée à diagnostiquer puisque pour prendre en charge un couple hétérosexuel, on pose comme critère un an sans grossesse en dépit de rapports. Nous sommes dans une société de consommation dans laquelle on ne tolère plus forcément la frustration de ce qui ne vient pas : il faut que les choses viennent vite. Les personnes consultent donc de plus en plus tôt, parce que c'est le monde moderne. Ils nous expliquent ce qu'ils veulent et affirment que cela fait un an, ou deux ans, nous ne sommes pas là pour aller vérifier. L'augmentation continuera donc. Parallèlement, d'autres éléments entrent en ligne de compte : les pesticides ou l'environnement qui contribueront à aggraver l'infertilité. Au reste, nous constatons moins d'infections sexuellement transmissibles, d'autres causes d'infertilité diminuent donc. Toutefois, 10 % à 15 % des cas sont d'origine non étiquetée.

Prouver l'infertilité alors que nous n'avons pas de marqueur de l'infertilité, que ce soit pour l'homme ou pour la femme, est particulièrement complexe. Un spermogramme relativement dégradé peut être trouvé chez un homme qui a trois ou quatre enfants. Des marqueurs dits de réserve ovarienne existent chez la femme, mais sont strictement quantitatifs et absolument pas qualitatifs. Or, c'est bien la qualité qui permettra de donner la grossesse.

Nul doute que la demande d'AMP continuera donc de croître. Les échecs sont malheureusement attribués à des éléments multifactoriels. Ils sont liés pour partie à l'absence de screening génétique pour les patientes les plus âgées qui permettrait de sortir du circuit des patientes pour lesquelles on ne peut pas espérer avoir réellement de succès. Du reste, les conditions matérielles sont sûrement moins performantes que dans d'autres pays : un système privé peut éventuellement générer des profits pour avoir accès à des outils bien plus performants que ce que nous pouvons avoir pour les laboratoires. C'est une somme de petits éléments qui aboutit à des résultats bien moins satisfaisants que dans d'autres pays.

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