Intervention de Pr Michaël Grynberg

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Michaël Grynberg, chef du service de Médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l'hôpital Antoine-Béclère :

Je tiens à préciser que je n'ai jamais eu de débat direct avec Mme Vidal. J'ai répondu à une affirmation qu'une journaliste m'avait rapportée concernant le fait que la recherche d'aneuploïdies pourrait être de l'eugénisme. J'ai l'impression que cette question est largement incomprise. Aujourd'hui, nous savons que nous concevons en fécondation in vitro, en fonction de l'âge de la patiente, entre 60 % et 90 % d'embryons qui sont déséquilibrés au regard du nombre de chromosomes. Ce déséquilibre conduit le plus souvent soit à des absences d'accroche (l'embryon ne s'implante pas), soit à une grossesse qui n'évolue pas, donc à des fausses couches qui peuvent éventuellement se compliquer. Une seule anomalie, relativement fréquente, est viable : la trisomie 21. Les trisomies 13 et 18 ne sont pas viables, ce sont celles qui sont recherchées en général avec la trisomie 21 pour essayer d'éviter de placer des embryons qui seraient à l'origine d'échecs ou de fausses couches, donc d'échecs pour les couples et de perte de temps.

À partir du moment où nous nous limitons à ces indications, sur ce qui va générer des échecs, nous ne sommes absolument pas dans une démarche eugéniste, qui consisterait à « choisir » un embryon sur la base d'un critère donné, par exemple des yeux bleus. Nous sommes là pour améliorer les prises en charge et réduire le temps nécessaire à l'obtention d'une grossesse, notamment pour les femmes les plus âgées, dont nous savons que nombre d'entre elles ne sont pas de bonnes candidates au succès. Si l'on considère que c'est de l'eugénisme, alors nous faisons de l'eugénisme au quotidien puisque nous cherchons tous les jours la trisomie 21 pour permettre aux couples d'interrompre la grossesse s'ils le désirent dès le premier trimestre. Ce n'est pas de l'eugénisme, c'est validé partout en France. Nous aspirons à agir de même pour les candidats à une fécondation in vitro. Si cette trisomie 21 peut être évitée sans avoir à faire subir une interruption médicale de grossesse, tant mieux. Nous ne sommes pas du tout dans de l'eugénisme, mais nous voulons étendre tôt pour ces couples candidats à une FIV ce que nous faisons aujourd'hui à un terme un peu plus tardif.

Je précise que nous réalisons du DPI pour des maladies d'une gravité extrême, ce qui est autorisé dans cinq centres en France. Des DPI sont réalisés pour rechercher une maladie catastrophique et nous n'avons pas le droit de rechercher si parallèlement, les embryons conçus sont porteurs de ces anomalies qui vont générer des échecs d'implantation ou de grossesse. Ces techniques coûtent chaque année des millions d'euros à la France. Aujourd'hui, nous implantons un nombre incalculable d'embryons dont on sait qu'ils n'auront malheureusement aucun avenir. Nous aurons simplement fait en sorte qu'ils soient indemnes de la maladie génétique recherchée par le DPI. Pour autant, nous refusons de nous donner la possibilité de nous assurer qu'ils auront une bonne chance de s'implanter. Nous sommes complètement discordants. De nouveau, je signale que ce n'est pas de l'eugénisme.

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