Intervention de Alexandra Benachi

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) :

Merci d'avoir accepté d'auditionner la fédération des CPDPN. Il est très important pour nous de faire connaître l'évolution de notre spécialité qu'est le diagnostic prénatal (DPN) depuis sa création dans les années 1990. Dans les premières lois de bioéthique, il a été question de diagnostic prénatal et non pas de médecine fœtale. À l'époque, nous n'étions pas vraiment capables de traiter les enfants in utero. Il y avait très peu de chirurgie et très peu de médecine fœtale. Si nous voulions aujourd'hui réellement reconnaître notre spécialité, il ne faudrait plus parler que de médecine fœtale, qui inclut le diagnostic prénatal et non l'inverse. La définition de 1997 ne reconnaît qu'une partie de notre spécialité, la « reconnaissance de pathologies d'une particulière gravité non curables au diagnostic », qui est le critère des interruptions de grossesse. Or, nous ne faisons pas que des interruptions de grossesse. Nous sommes aujourd'hui capables de traiter les enfants, par la médecine ou la chirurgie. Voilà pourquoi nous demandons la modification de cette définition.

L'article 19 prévoit également que la femme ne pourra plus décider par elle-même, puisqu'elle devra informer son conjoint si elle est en couple. Si le conjoint a bien sûr son mot à dire, nous ne pouvons pas considérer que la décision légale d'interruption de grossesse ou de prise en charge d'un fœtus doit revenir au couple. C'est très important pour nous. Il faut laisser à la femme son autonomie, comme c'est le cas actuellement et comme le prévoient les règles de bonnes pratiques. L'arrêté définissant les règles de bonnes pratiques de diagnostic prénatal précise bien que seule la signature de la femme est requise. Elle informe évidemment son conjoint si elle le souhaite, mais la signature de celui-ci n'est pas requise. Ce n'est d'ailleurs pas réalisable en pratique et je pourrai vous expliquer pourquoi.

L'article 20 porte sur les interruptions de grossesse. Il contient un alinéa sur les pathologies fœtales et un alinéa sur les pathologies maternelles. Un alinéa sur les interruptions sélectives de grossesse (ISG) est apparu à notre grande surprise – nous les nommons en pratique « réduction embryonnaire ». Or ce que prévoit le projet ne correspond pas à la vie réelle. Je pourrai également vous expliquer pourquoi. Nous suggérons donc un ou deux alinéas supplémentaires. Les ISG ne sont actuellement encadrées par aucune réglementation ‑ les patientes ne sont pas obligées de remplir des papiers comme pour les interruptions de grossesse –, mais il a été demandé à l'Agence de la biomédecine (ABM) de les répertorier. La fédération a donc demandé à tous les CPDPN de noter le nombre d'ISG afin d'avoir une idée de ce qui se passe et de faire remonter cette information dans notre bilan annuel d'activité. Nous sommes tout à fait d'accord pour que la pratique soit encadrée, mais la formulation retenue par le projet n'est peut-être pas la bonne. Pour nous, il est simplement impossible d'avoir encore un autre quorum à définir. J'ajoute que les ISG peuvent concerner des malformations fœtales : dans le cas d'une grossesse gémellaire avec un fœtus malformé, nous pouvons être amenés à arrêter le fœtus malformé s'il présente une pathologie d'une particulière gravité. Or l'article 19 dit qu'il n'est pas possible de tenir compte de quelque caractéristique fœtale que ce soit. Cela nous empêcherait de travailler.

Ce sont là les trois principaux problèmes que pose le projet de loi.

Quant à l'article 21, il est « coincé » entre les articles 20 et 22, mais il ne relève pas de notre expertise. Nous n'avons pas de souhait pour l'article 22.

Je me suis permis d'ajouter un petit mot sur le dépistage préconceptionnel. Je sais que nous ne devions pas être auditionnés sur ce point, mais j'ai un petit avis sur la question s'il vous intéresse.

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