Intervention de Alexandra Benachi

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) :

Je fais du diagnostic prénatal. J'exerce depuis 25 ans et je fais des IMG pour pathologies génétiques. Il est extrêmement difficile de voir arriver des patientes avec, par exemple, un bébé à 17 semaines présentant un intestin un peu blanc. Nous allons rechercher la mucoviscidose et si le diagnostic est confirmé, la patiente choisira de faire l'interruption de grossesse. Elle fera une, deux ou trois interruptions, jusqu'à être prise en charge en diagnostic préimplantatoire (DPI) si elle le souhaite. Selon les années, 20 % à 30 % des IMG sont pratiquées pour des maladies génétiques fréquentes comme la mucoviscidose, l'amyotrophie spinale ou le syndrome de l'X fragile. Je ne peux évidemment pas être contre le dépistage, en population générale ou en préconceptionnel – nous pourrions déjà commencer par là.

Il faut tout de même savoir où mettre la barre et quelles pathologies choisir. Est-ce le décès néonatal ? Est-ce le décès à quatre mois ou à huit mois ? Nous pouvons aller très loin. Il existe tout de même certaines anomalies génétiques fréquentes, comme celles que je citais. Il est vraiment dommage que notre pays ne s'intéresse pas à ce problème et que la loi ne prévoit rien. Je dis cela en ayant conscience d'être biaisée, puisque c'est mon métier que de voir des patientes faisant des interruptions de grossesse. Je pourrais aussi parler des anomalies génétiques actionnables, mais cela me ferait quelque peu sortir de mon champ, puisque je vois surtout des patientes enceintes et des bébés porteurs de pathologies néonatales. Le risque du diagnostic portant sur des gènes actionnables est qu'il suscite ensuite des demandes d'interruption de grossesse.

J'ai dirigé assez longtemps un centre de DPI. Faire du dépistage en population générale suppose de s'organiser, car des couples sauront qu'ils sont porteurs de gènes déficients et n'auront pas envie de passer par l'interruption de grossesse. Il faudra donc consacrer beaucoup de moyens au DPI, qui pâtit encore aujourd'hui de délais assez longs et d'un manque de centres. Je suis très favorable à ce que nous puissions éviter des interruptions de grossesse à ces couples.

Le DPI-A pour toutes les AMP n'est probablement pas une solution, mais il peut l'être pour certaines indications – je pense en particulier aux patients un peu plus âgés, pour qui les taux de grossesse seraient assurément bien meilleurs. Une ou deux fois par an, nous avons une patiente qui passe par un DPI – elle fait tout le processus ; elle a eu une interruption de grossesse ; nous faisons le diagnostic du gène dans sa famille ; elle fait le DPI – et l'enfant a une trisomie 21. Certes, il s'agit d'une situation exceptionnelle. Néanmoins il ne me paraît pas logique d'accepter le dépistage de la trisomie 21 durant la grossesse – nous sommes très contents que cela existe – et de ne pas le faire sur les embryons. Il n'est pas forcément important de faire un DPI-A chez une femme à bas risque mais, pour les patientes plus âgées, cela réduirait le délai d'obtention d'une grossesse et cela diminuerait les coûts de l'AMP.

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