Intervention de Alexandra Benachi

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) :

Nous demandons à ce que l'alinéa 5soit supprimé. Il y a déjà une liste de professionnels pour la décision d'interruption dans le cas d'une pathologie fœtale, une autre pour les pathologies maternelles, et voilà qu'une troisième est établie pour les ISG, liste qui de plus n'est pas adaptée. Voilà pourquoi nous proposons qu'il n'y ait que deux régimes, celui d'une pathologie fœtale et celui d'une pathologie maternelle, et que les ISG entrent dans le régime des pathologies maternelles. Ce serait beaucoup plus simple.

J'ajoute que le psychiatre n'est pas forcément nécessaire. Nous proposons toujours l'accès à une psychologue à ces patientes passées par l'AMP que je décrivais tout à l'heure. De plus, de nombreux centres n'ont pas de psychiatres sur place et je vous assure que les psychiatres n'accepteront pas de venir systématiquement examiner nos patientes. Un psychologue suffit largement dans la plupart des cas. Nous demandons donc que ce point soit supprimé.

J'en viens à la deuxième question. Pour que puisse être pratiquée une interruption médicale de grossesse, il faut que l'enfant soit porteur d'une pathologie d'une particulière gravité et incurable au moment du diagnostic. Il y a une vingtaine d'années, quand l'enfant avait une anomalie des organes génitaux, cela n'était pas vu en prénatal. L'enfant naissait et la stupeur frappait la famille concernée car les parents n'étaient pas préparés. Jusqu'à il y a très peu de temps, le sexe de l'enfant devait être déclaré dans les trois jours ; ces enfants n'étaient souvent pas déclarés dans le bon sexe, en l'absence de diagnostic et par incapacité d'évaluer la pathologie, et il y avait donc des erreurs de déclaration.

Le diagnostic prénatal a permis aux couples de se préparer à l'idée. Les progrès de la biologie moléculaire permettent d'avoir une idée très précise de la pathologie, afin que la prise en charge de l'enfant à la naissance soit optimale, et de savoir dans quel sexe le déclarer. Nous savons très bien que nous ne pourrons jamais réparer certaines anomalies. Nous sommes alors dans le cas d'une pathologie d'une particulière gravité et incurable au moment du diagnostic.

Je pense qu'il ne faut pas mélanger le syndrome de Klinefelter et les anomalies des organes génitaux comme on peut le voir de temps en temps. Le syndrome de Klinefelter comme le syndrome de Turner font partie des anomalies dont il est possible de discuter des heures entières pour savoir si elles sont « d'une particulière gravité ». C'est un sujet très compliqué… Toutes les patientes voient en prénatal un spécialiste de la pathologie. Certaines demandent l'interruption et voient le centre la leur refuser ; elles vont alors dans un autre centre, puis éventuellement dans un troisième, un quatrième ou un cinquième. Elles arrivent alors dans un état catastrophique. Imaginez avoir fait la moitié de la France à genoux, suppliant que l'on arrête votre grossesse. Quelle vie ensuite pour cet enfant ? Voilà la réalité. Nous pouvons donc être amenés à faire une interruption de grossesse pour un syndrome de Klinefelter. La plupart du temps, ce n'est pas pour le syndrome en lui-même, mais parce que la femme ne peut pas accepter l'idée d'avoir un enfant avec un handicap. C'est la vraie vie, c'est parfaitement réglementé et parfaitement connu des gens qui font le diagnostic prénatal.

Ceci étant, je pense que le diagnostic prénatal des anomalies des organes génitaux est globalement plus bénéfique que néfaste pour les parents et les enfants. Il est vraiment important de nous laisser le faire. Dans la plupart des cas, nous arrivons ainsi à bien anticiper le contexte de la naissance, à faire les bons examens au bon moment et à déclarer l'enfant dans le sexe le plus approprié. Nous ne parlons même pas ici d'intervention.

Le traitement prénatal de l'hyperplasie congénitale des surrénales suscite de grandes discussions. En effet, des publications scientifiques ont montré que donner des corticoïdes à très forte dose en prénatal réduisait les réseaux de neurones chez les souriceaux. Les États-Unis considèrent que le bénéfice de la non-virilisation n'est pas supérieur au fait d'avoir une altération neuronale et ils n'autorisent donc pas la délivrance de corticoïdes. Nous suivons ce que nous disent les endocrinologues français, qui sont très favorables à ce genre de traitement. Quand nous avons affaire à une famille où nous connaissons la présence d'un gène d'HCS, nous donnons un traitement au fœtus féminin. Nous faisons d'ailleurs un sexe fœtal par prise de sang très tôt dans la grossesse.

Ce n'est donc pas si simple, et il me semble qu'il est réellement important d'arriver à anticiper la naissance de ces enfants. Il faut vraiment parler d'anomalie des organes génitaux plutôt qu'employer des mots comme « hermaphrodisme ». Nos collègues sont bien informés qu'il y a des mots qu'il ne faut pas dire et que nous pouvons amener les parents à accepter l'enfant avec sa différence, et des traitements qui peuvent être tout de même très lourds.

J'ajoute que nous insistons sur le fait de ne pas séparer médecine fœtale et diagnostic prénatal. C'est une seule et même définition. Le diagnostic prénatal est dans la médecine fœtale. Dans le texte de 1997 cependant, il est question de diagnostic prénatal, et les centres sont les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal. Nous pourrions aboutir à une seule définition dans laquelle il serait possible de retirer « médecine fœtale ». Garder « diagnostic prénatal » est plus simple pour nous. Nous ne voulons simplement pas séparer les deux.

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