Intervention de Nathalie Massin

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h10
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Nathalie Massin, présidente de la SMR :

Merci de nous avoir invités à parler. Les professionnels de l'AMP sont très intéressés à donner leur avis, car ils seront en première ligne pour l'application de la loi.

La majorité des professionnels de l'AMP salue les avancées majeures de la loi. D'une manière globale, nous sommes pour l'ouverture de l'accès aux couples de femmes ainsi qu'aux femmes seules et à l'autoconservation ovocytaire. C'est une vraie demande des patientes que nous voyons actuellement ou de celles que nous ne pouvons pas voir.

Je parle au nom de la SMR, mais je voudrais également faire état des demandes de professionnels regroupés dans le cadre de onze sociétés savantes qui ont signé un texte commun pour signifier que nous sommes favorables à ces avancées. Notre objectif est que la loi puisse être appliquée. Il ne faut pas qu'elle reste théorique. Je reviendrai sur cette question.

J'en viens aux cinq amendements qui nous paraissent importants. Il y a la problématique « public-privé », avec l'impossibilité pour certains centres de mettre en œuvre les nouvelles techniques. Il faut s'assurer que ces techniques sont accessibles de façon égale aux nouveaux couples de femmes et aux femmes seules. La problématique de l'âge a été très bien développée. Il en est de même pour la destruction des embryons et gamètes actuellement stockés. En dernier point, il y a la problématique de l'AMP post mortem lorsqu'il s'agit d'embryons déjà conçus. Voilà les cinq points qui sont assez consensuels au sein des professionnels.

Je voudrais, pour la SMR, insister sur deux points. Le premier concerne la distinction public-privé. La loi écrit clairement que les techniques d'autoconservation et de dons de gamètes, et donc l'accès aux couples de femmes et aux femmes seules, ne seront pas possibles dans les centres privés. Nous voulons démontrer que ce ne serait pas une bonne chose pour l'application de la loi, tant parce que cela limite l'accès de l'ensemble de la population à l'AMP sur l'ensemble du territoire que parce que cela repose sur l'idée que nous ne pourrions pas assurer dans les centres privés une même qualité de prise en charge que dans les centres publics, avec un risque de dérives ou de marchandisation. L'activité d'AMP est très spécifique, car encadrée par la loi. Nous ne pouvons faire que ce qui est prévu par la loi. Jusqu'à présent, les centres privés qui font de l'AMP ont toujours respecté la loi. J'ajoute que nous sommes soumis à une évaluation annuelle. Nos activités sont forcément contrôlées par l'ABM ainsi que par les agences régionales de santé (ARS) qui inspectent les centres. Nous ne pouvons donc pas y faire n'importe quoi. Pour que cette loi puisse être appliquée, il faut qu'il y ait des centres de qualité sur l'ensemble du territoire. Cette notion de « centre de qualité » ne doit pas être limitée au seul périmètre des centres publics. Les médecins du privé ont été formés dans le public. Il n'y aurait pas un effet magique qui impliquerait qu'en passant dans le privé, ils n'auraient plus comme seule idée que de gagner de l'argent. Les médecins travaillant dans le privé ont exactement la même éthique que ceux du public.

Nous parlons de risque de pénurie de donneurs et de donneuses. Il y a actuellement une pénurie de donneuses, mais pas de pénurie de donneurs. Avec l'augmentation de la demande liée à l'accès donné à de nouveaux couples, quel serait le meilleur endroit pour recruter des donneurs et des donneuses ? Ce serait probablement dans les centres d'AMP qui travaillent au quotidien sur la question. Ils reçoivent des hommes et des femmes qui y sont pris en charge. Ces personnes peuvent être sensibles à l'idée de rendre aux autres le service dont elles ont elles-mêmes bénéficié. La meilleure façon de recruter une donneuse potentielle d'ovocytes est de proposer cela à une femme qui aura eu un enfant par AMP. Une relation se noue avec l'équipe de prise en charge et il est plus facile de faire un geste avec une équipe connue. De la même façon, un certain nombre de femmes prises en charge dans les centres d'AMP ont des compagnons dont le sperme est parfaitement normal. Nous pouvons tout à fait les motiver à donner. Ainsi, je crois qu'avec une bonne communication et surtout avec la possibilité de donner facilement sur l'ensemble du territoire, nous éviterions tout risque. Si nous limitons les lieux de dons de gamète, en particulier de spermatozoïdes, à une trentaine de centres seulement en France, le maillage du territoire serait trop peu important.

Je pourrais ajouter que du point de vue technique, tous les centres sont capables de faire ces autoconservations. C'est dans nos pratiques courantes que de congeler du sperme et des ovocytes. Il n'y a pas eu de dérives jusqu'à présent. On en peut pas faire l'amalgame avec ce qui se passe dans des entreprises privées comme Google, ou d'autres aux États-Unis. En France, le système est contrôlé et les médecins respectent ces contrôles. Il ne faudrait pas faire inutilement peur sur ce sujet. J'ajoute enfin qu'il y aurait une incohérence. Les femmes qui vont à l'étranger aujourd'hui vont dans des cliniques privées et ont une prise en charge de la sécurité sociale. Ce serait marcher sur la tête que d'utiliser l'argent de la sécurité sociale pour aller faire une activité à l'étranger qui serait refusée au secteur privé en France.

Nous rejoignons tout à fait les docteurs Belaisch-Allart et de Reilhac sur certains points, en particulier pour les limites d'âge. Un autre sujet n'a pas encore abordé : il s'agit de l'analyse de l'embryon en vue de rechercher une anomalie génétique. Si vous en êtes d'accord, laissons la parole quelques minutes à M. François Vialard qui m'accompagne aujourd'hui.

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