Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h10
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Je pense comme vous qu'il est souhaitable que les activités d'AMP ne soient pas restreintes aux seuls centres publics. Nous verrons ce qu'il adviendra, mais il n'y a guère de raison pour que le secteur privé soit banni de l'autoconservation ovocytaire ou des pratiques d'AMP. Au contraire, son implication fait sens, par nécessité pratique afin de contribuer à une activité qui ira en s'accroissant, mais aussi pour l'incitation aux dons, ces centres étant bien répartis sur le territoire national. Enfin, nous savons bien que l'encadrement est tout aussi important dans le privé que dans le public. Il n'y a aucune raison d'être ségrégatif. J'ajoute que les dépassements d'honoraires existent aussi dans le secteur public. Nous pouvons très bien affirmer que les activités liées à l'AMP sont une mission de service public qui doit respecter certains principes et nous pouvons effectuer les contrôles nécessaires. Que je sache d'ailleurs, les centres privés sont déjà soumis à un double contrôle, via l'ABM et les ARS. Ce sont des organismes suffisamment dignes de confiance.

Le pouvoir réglementaire pourrait cependant définir un encadrement spécifique de ces pratiques car je ne suis pas sûr que la loi doive définir ceci. Vous avez peut-être des idées en ce sens.

Je vous entendais parler des autres pays. Concernant la recherche d'aneuploïdies notamment, le professeur Nisand rapporte régulièrement le cas de patientes pour lesquelles un DPI a permis d'exclure le cas de la transmission d'une maladie génétique très grave. N'ayant malheureusement pas examiné les chromosomes, l'équipe n'a pu détecter la trisomie, qui est diagnostiquée en début de grossesse. Il est alors demandé à la femme ce qu'elle veut faire. Elle répond vouloir une interruption de grossesse, mais demande pourquoi lui avoir imposé une grossesse alors qu'ils avaient les embryons à l'analyse et qu'ils pouvaient choisir parmi eux. Un tel choix ne serait pas de l'eugénisme : il s'agirait simplement d'éviter les embryons porteurs de maladies. Cet examen est fait pour une maladie, mais pas pour une autre. Ces situations me paraissent peu compréhensibles. En dehors de la prévention d'interruptions de grossesse, ce qui est bénéfique, la détection des aneuploïdies permettrait d'augmenter les taux de succès de FIV. Ces taux ne sont pas mirobolants, malgré toute la pénibilité que des FIV à répétition représentent pour les femmes. Je préférerais qu'un jour, nous puissions annoncer à ces femmes qu'elles ont une chance sur deux de réussir une FIV.

Je ne comprends pas vraiment le point sur la clause de conscience. Le code de déontologie médicale prévoit déjà la possibilité pour chaque médecin, hors cas d'extrême urgence, de se soustraire à tout acte médical. Ce n'est pas que de son propre intérêt : c'est aussi et surtout de l'intérêt du malade. Si nous ne sommes ni aptes à faire quelque chose, parce que n'ayant pas l'habitude, ni volontaires pour le faire, ce ne sera pas bien fait. Il vaut mieux confier le malade à un collègue qui effectuera l'acte dans de bonnes conditions. Dans cette situation, pourquoi créer des clauses supplémentaires ? Chacun d'entre nous a été un jour ou l'autre confronté à un malade qui nous a fait éprouver le besoin de le transmettre à l'un de nos collègues. En l'absence d'atomes crochus entre le médecin et le patient, il vaut mieux changer de médecin. Je me demande si, à force de rajouter des couches supplémentaires, nous n'autoproduisons pas des problèmes.

Je vous remercie pour tout ce que vous nous apportez. Nous saluons tous l'avancée qui sera permise par cette loi. Nous aurons besoin de vous recontacter pour suivre l'évolution des choses, car le diable est dans les détails : ce n'est pas la loi en elle-même qui sera l'alpha et l'oméga de ces activités nouvelles. La situation sera déjà bien meilleure quand nous ne devrons plus organiser chez nous des examens pris en charge par la sécurité sociale, pour que les personnes concernées aillent ensuite en Belgique, en Espagne ou ailleurs pour réaliser certains actes avant de revenir chez nous. Ce sont des situations embarrassantes. Donnez-moi vos avis sur ces points.

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