Intervention de Stéphane Bézieau

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 18h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Stéphane Bézieau, président de la FFGH :

Je rejoins complètement l'interprétation de mon collègue et sa vigilance quant à la terminologie. Nous pouvons effectivement craindre aujourd'hui l'utilisation de tests génétiques comme criblage de la population. Dans les tests préconceptionnels, il est possible d'envisager des situations dans lesquelles une porte pourrait être entrebaillée. Cela a été fait dans certaines populations, avec des isolats. Nous parlions de la Corse tout à l'heure, mais il y en a d'autres. Je pense notamment à l'île de la Réunion, à Mayotte ou à la Nouvelle-Calédonie. Il y a de nombreux endroits, même en métropole, où nous pouvons observer des isolats historiques qui génèrent des mutations récurrentes pour différentes pathologies, comme le cancer du sein ou la mucoviscidose, ou qui peuvent entraîner des maladies récessives très graves. Pour de telles situations, je pense qu'il conviendrait peut-être d'entrouvrir une porte.

C'est beaucoup plus discutable dans d'autres situations. En tout cas, nous devons faire une évaluation dans des populations hétérogènes du bénéfice que pourraient apporter ces tests. Voilà la position de la FFGH.

Dans la population générale, l' American College of Medical Genetics (ACMG) avait évoqué l'idée de rechercher des gènes actionnables susceptibles de donner lieu à une mesure préventive chez les personnes dont on analyserait l'exome pour une indication donnée. Nous pouvons voir en effet à cette occasion des gènes qui peuvent suggérer une prédisposition. Je reprendrai ici les mots d'Axel Kahn : « notre destin n'est pas écrit dans nos gènes ». Je pense à ces gens qui ont une pathologie, par exemple un retard neurodéveloppemental, chez qui nous analyserons l'exome et pour lesquels nous aurons des données qui ne concernent pas du tout la maladie identifiée. Nous nous retrouvons alors dans le contexte de l'analyse en population générale. Il faut être prudent vis-à-vis de l'interprétation de données en population générale. La technologie ne nous donne pas forcément la connaissance du devenir individuel. Nous observons déjà que dans des familles et pour une pathologie comme les troubles du rythme cardiaque, une mutation visible n'entraîne pas forcément la maladie. Il y a au sein d'une même famille une hétérogénéité des gens au regard du variant. Les uns l'auront, les autres ne l'auront pas. En population générale, nous pouvons nous interroger sur l'opportunité de mesures préventives qui iraient jusqu'à des interventions dans les domaines de la cancérologie ou de la cardiologie, chez des personnes pour lesquelles nous n'aurons jamais de certitude totale, même dans le cas d'une prédisposition majeure.

Ceci étant dit, la médecine génomique va de toute façon se déployer. Il faut que nous nous mettions dans de bonnes conditions. Il faut surtout réfléchir à la prise en charge des personnes qui sont déclarées porteuses d'une anomalie. Nous sommes aujourd'hui loin d'avoir les moyens de l'assumer.

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