Effectivement, ces dix ou quinze dernières années, nous avons vécu sur un concept assez ridicule ayant cherché à opposer absolument entre eux les différents types cellulaires. C'est ridicule, parce que quand nous considérons une activité hospitalière et de recherche consistant à faire ce que nous pensons être le meilleur pour la prise en charge de nos patients, nous nous moquons complètement de savoir si tel ou tel type cellulaire est mieux, moins bien, éthiquement plus responsable, écodurable, HQE ou que sais-je encore… Lorsque Philippe Menasché et moi avons commencé à travailler sur les cellules souches embryonnaires, ce n'était pas pour se dire que nous serions les premiers. Le mouvement est venu de 22 ans de travaux en thérapie cellulaire cardiaque que nous avons commencés sans les cellules souches embryonnaires, puisqu'elles n'existaient pas à l'époque.
Nous nous sommes dit : « Nous avons évalué un premier type cellulaire, avec ce type de résultat. Nous en tirons la leçon que ce type cellulaire n'est peut-être pas le bon. » Mais c'était le seul que nous connaissions à l'époque. Puis sont venues les cellules souches embryonnaires, qui sont de facto devenues un modèle beaucoup plus intéressant, encore une fois dans une perspective de prise en charge de patients. Le Conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine est confronté à ce genre de difficultés quand il évalue les dossiers, puisque les demandeurs doivent expliquer pourquoi ils utilisent des cellules souches embryonnaires et pas des IPS. La question n'est pas vraiment là. Les IPS sont un formidable modèle qui a valu le prix Nobel au Pr Shinya Yamanaka, mais c'est un formidable modèle que l'on veut substituer à tout prix aux cellules souches embryonnaires. Elles ont leurs intérêts, mais également leurs inconvénients en particulier ces problèmes de modification génétique, que nous trouvons beaucoup moins dans les cellules souches embryonnaires. Pour des applications thérapeutiques, pour une raison ou pour une autre, pour une pathologie ou pour une autre, nous pourrons être amenés à privilégier soit les IPS soit les cellules souches embryonnaires. Il ne s'agit pas de faire de la recherche sur ces dernières parce que cela nous fait plaisir, mais parce que nous considérons que, pour la prise en charge future des patients, ce modèle a son intérêt propre.
Cette dichotomie – voire cette concurrence – entre les types cellulaires est un point très important. Elle pose des problèmes à celles et ceux qui déposent des projets et celles et ceux qui les expertisent, puisqu'il faut argumenter le choix de tel ou tel modèle, ce qui est parfois difficile : « Pourquoi n'utilisez-vous pas les IPS ? Vous avez les IPS, débrouillez-vous avec. » Non, nous ne pouvons pas tout le temps nous débrouiller avec les IPS.