Intervention de Pierre Savatier

Réunion du mercredi 4 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pierre Savatier, directeur de recherche médicale à l'INSERM :

Sur la question de l'expérience inverse, le fait d'injecter des cellules souches embryonnaires animales dans un embryon humain, c'est une telle évidence pour nous que nous oublions de dire que ce n'est pas du tout à l'ordre à l'ordre du jour et que cela n'a aucun sens. Pour moi, la question est vraiment close.

Vous avez rappelé que ce paradigme expérimental de la chimère est actionné dans de très nombreuses situations. D'une certaine façon, quand nous injectons des cellules cancéreuses humaines dans une souris pour étudier la formation d'une tumeur, nous faisons des chimères. Mélanger des cellules d'une espèce dans une autre espèce se fait quasiment tous les jours, dans tous les laboratoires du monde. C'est une approche expérimentale d'une très grande banalité. La particularité des chimères dont nous parlons aujourd'hui est que ce sont des chimères embryonnaires préimplantatoires, faites en injectant des cellules souches embryonnaires pluripotentes dans un embryon préimplantatoire. L'agrégation des deux types cellulaires, des deux espèces, se fait très en amont, quasiment au sommet de la pyramide du développement. Par conséquent, dans cette situation, on peut potentiellement avoir un chimérisme qui ne va pas concerner qu'un organe ou qu'une petite région de l'animal, mais l'ensemble de l'animal. C'est de cela que vient le problème, nous en avons bien conscience.

Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, il est bien évident que faire du chimérisme sur le pancréas n'a pas les mêmes conséquences que faire du chimérisme sur le cerveau. Cela ne veut pas dire que faire un cerveau chimère n'est pas intéressant sur le plan scientifique : nous pourrions apprendre beaucoup en faisant une chimère homme-animal pour étudier le développement du cerveau et ce qui fait, par exemple, la spécificité du développement du cortex humain par rapport à celui d'un primate non humain. Ces expériences ne doivent pas forcément être interdites, mais elles doivent être encadrées de manière extrêmement stricte. Il faut fixer des limites concernant le taux de chimérisme et le choix de l'espèce hôte, mais scientifiquement, ces technologies offrent des possibilités extraordinaires pour la compréhension du développement du cerveau humain. Il ne faut pas oublier ce point extrêmement important.

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