Intervention de Pr Jérôme Larghero

Réunion du mercredi 4 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Jérôme Larghero, directeur du département Biothérapies cellulaires et tissulaires de l'hôpital Saint-Louis :

Je vais répondre à cette question de façon très courte, puisque dans le cadre de mes fonctions au conseil d'orientation de l'ABM, nous sommes chargés de donner avis à la directrice de l'Agence de la biomédecine d'autoriser ou de ne pas autoriser un projet de recherche. Je précise d'ailleurs que nous avons été amenés à refuser des projets de recherche. On entend parfois que l'ABM serait une simple chambre d'enregistrement, mais ce n'est pas le cas. En tout cas, ce n'est pas ma vision des choses.

Chaque projet de recherche est évalué par deux experts extérieurs, puis deux rapporteurs internes, puis discuté en conseil d'orientation. J'ai tendance à penser que les projets de recherche et cette pertinence scientifique sont largement évalués avant qu'une décision soit prise.

Pour répondre à votre question concernant les IPS, oui, le Japon est un très beau pays à visiter. Je vous le conseille, c'est magnifique. La législation est tout de même très particulière. La recherche tant développée sur les IPS au Japon est la conséquence directe de l'interdiction de travailler sur les cellules souches embryonnaires. Les IPS, c'est très bien. Encore une fois, en 24 ans de thérapie cellulaire, je n'ai absolument pas ressenti le besoin d'une guerre de clochers ou de chapelles entre tel type cellulaire et tel autre. La préférence doit aller à celui que nous pensons être potentiellement le mieux pour les patients.

Un indicateur n'est pas inintéressant. Au moment de la découverte de Yamanaka, lorsque la communauté scientifique a eu un engouement pour les cellules IPS, nous avons fait comme à chaque engouement, nous sommes toujours aussi bêtes : « Super, nous allons traiter et soigner la moitié de la planète avec les IPS ! » Douze ans plus tard, force est de constater qu'il y a deux ou trois essais cliniques avec les IPS, c'est-à-dire moins d'essais cliniques qu'il n'y en a avec les cellules souches embryonnaires. Encore une fois, l'idée n'est pas de dire que l'une est beaucoup mieux que l'autre, qu'il faut privilégier l'une ou l'autre. Il faut surtout se demander ce que nous attendons d'un type cellulaire pour telle ou telle prise en charge. Les Japonais développent beaucoup l'aspect thérapie cellulaire oculaire. Quand vous vous intéresserez à une pathologie avec urgence vitale, vous aurez peut-être une autre façon de réfléchir.

La démarche retenue en France résulte aussi de notre volonté d'assurer une sécurité maximale aux patients – cela rejoint la réflexion sur les contrôles. C'est pourquoi nous avons plutôt tendance à privilégier aujourd'hui les cellules souches embryonnaires. Ce n'est pas parce que nous avons envie de le faire mais parce que nous connaissons mieux ce modèle et qu'aujourd'hui, la sécurisation d'une lignée est mieux assurée avec les cellules souches embryonnaires qu'elle ne l'est avec les cellules IPS, pour toutes les raisons qui ont été évoquées tout à l'heure. Tout cela est très contrôlé, à la fois par l'Agence de la biomédecine et par l'ANSM.

Vous vous demandiez jusqu'à quel degré de précision le projet de loi devrait aller. Nous avons parlé de ligne rouge. Il ne faut pas oublier qu'à l'Agence de la biomédecine, il y a une mission d'inspection dont le rôle et moins de dire « Voilà quelle doit être la granularité du texte que vous portez » que de s'assurer auprès des équipes que la recherche est réalisée dans des conditions conforme aux textes. Je crois que c'est une bonne chose.

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