Intervention de Irène Théry

Réunion du mercredi 4 septembre 2019 à 11h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Irène Théry, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) :

Comment traiter les femmes seules ? Des différentes options que j'ai développées dans ma contribution, l'une est tout simplement l'article 4 de l'avant-projet du gouvernement. Ce n'est pas une nouvelle idée qui arriverait comme cela. Il y a l'article 4 du projet de loi actuel, l'article 4 de l'avant-projet et la solution « présomption de comaternité et reconnaissance » qui avait été évoquée avant celui-ci. J'ai remarqué que, dans l'avant-projet, les femmes seules sont concernées par la déclaration de volonté. Cela peut paraître étrange, parce qu'après tout, la femme qui accouche va accoucher. Pourquoi l'inscrire là ? Il me semble que la raison qui avait été donnée était le point de vue des enfants. Quand il y a filiation par une femme seule, que l'enfant n'a qu'une mère, le titre VII suppose que quelque part, il a un père. La déclaration anticipée n'est pas nécessaire pour que la femme établisse son lien de filiation à l'enfant, mais elle indique quelque chose d'essentiel à l'enfant, à savoir qu'il est né d'un homme, mais que cet homme était un donneur et pas un père. Cet enfant n'a pas à chercher un père quelque part dans la nature. Il n'a pas à faire de recherche en paternité.

Cela m'amène à dire une chose sur le projet parental. Il y a toujours un peu de projet parental dans la filiation actuelle. Aujourd'hui, on dit que les enfants sont désirés. Cela a été une immense victoire, quand des enfants arrivaient sans avoir été projetés, que ce ne soient pas que les femmes qui s'en occupent. L'interdiction de recherche en paternité de 1789 à 1912 était faite pour protéger les hommes de toute responsabilité par rapport à cela. Dans le titre VII, si nous nous engagions à dire que s'il n'y a pas eu de projet parental dans le cadre d'une procréation classique, on est autorisé à se défaire de ses responsabilités, ce serait revenir au temps où les enfants avaient des filles-mères et pas de père. Ce serait un sujet énorme qui serait lancé.

Il est vrai que de grandes questions sont posées. L'intérêt d'un titre VII bis instituant une filiation par déclaration anticipée de volonté est justement de ne pas poser toutes ces questions – qui sont immenses – mais de remarquer une chose sur la façon dont deux femmes deviennent mères quand elles recourent à un don, c'est-à-dire en s'engageant à un don. Peu importe que l'on dise qu'il y a projet ou non : le fait de recourir à une tierce personne implique d'avoir eu un projet. C'est le sens des actes. Le fait que cette personne soit un donneur et pas un homme qui pourrait devenir un père est justement le processus de l'engendrement avec tiers donneur. Il n'y a pas de processus d'engendrement avec tiers donneur sans projet parental. Une filiation fondée sur une DAV est donc respectueuse de la démarche, aussi bien des couples de même sexe que des couples de sexes différents. Quand ils font un projet parental avec un don, c'est exactement la même chose, indépendamment du fait que par ailleurs, il y ait des différences sur le fait que les uns peuvent cacher et les autres pas.

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