Intervention de Anne-Marie Leroyer

Réunion du mercredi 4 septembre 2019 à 11h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Anne-Marie Leroyer, professeure de droit privé et sciences criminelles à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne :

Au regard du principe d'égalité, il faut savoir si l'institution de modalités spécifiques d'établissement de la filiation pour les couples de lesbiennes porte atteinte à l'égalité au sens juridique du terme. Pourrait-il y avoir une censure du Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ?

Le Conseil constitutionnel est très prudent sur la question de l'égalité, en particulier en droit de la famille. Il regarde en premier lieu si la différence de traitement n'est pas justifiée par une différence de situation. En l'occurrence, il a chaque fois admis qu'il y avait une différence de situation. Par exemple, il y a une différence de situation entre les personnes mariées et les personnes non mariées. Il y a une différence de situation entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, notamment dans sa décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'égard du mariage. En l'état actuel du texte, la question serait plutôt : y a-t-il une différence de situation entre les coupes de lesbiennes et les couples hétérosexuels recourant à un don qui justifie une différence de traitement ? Nous ne pouvons pas anticiper la réponse du Conseil constitutionnel, mais étant donné sa jurisprudence actuelle, il n'est pas du tout évident qu'il ne retienne pas qu'il existe une différence de situation. Si jamais il retenait qu'il existe une différence de situation, il est clair qu'il entérinerait l'idée d'une discrimination sur l'orientation sexuelle. Encore une fois, cela se discute. Peut-être qu'aujourd'hui, le Conseil constitutionnel ne voudrait pas conclure à une différence de situation au regard de l'établissement de la filiation. En revanche, s'il conclut qu'il n'y a pas de différence de situation, parce qu'il regarde la filiation et non la différence d'orientation sexuelle, alors il y a une différence de traitement qui n'est pas justifiée par des considérations d'intérêt général. En effet, nous ne voyons pas très bien l'intérêt général qu'il y a à traiter de manière différente l'établissement de la filiation pour les couples de lesbiennes ayant recours à un don et l'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels ayant recours à un don. Vous voyez à quoi vous êtes confrontés au regard de l'égalité.

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