Je pense que beaucoup autour de cette table connaissent le programme français de dépistage néonatal. C'est un programme qui a commencé en 1972, qui fait que tous les bébés à la naissance, sauf opposition des parents, sont dépistés de certaines pathologies gravissimes. Cinq sont dépistées en France, alors qu'il y en a beaucoup plus dans certains pays européens – jusqu'à trente. Bien que ces maladies soient pour la plupart génétiques, voire monogéniques, ce programme a pour caractéristique d'utiliser des outils de la biochimie classique : on fait la recherche d'un marqueur biochimique qui est un traceur biologique de la maladie. Les progrès de la génomique aujourd'hui, les progrès des thérapeutiques permettent d'envisager d'utiliser en première intention la recherche d'une mutation qui va être caractéristique d'une maladie monogénique pédiatrique gravissime. On pourrait ainsi intégrer au programme français de dépistage néonatal de nouvelles maladies purement génétiques en les dépistant grâce à la recherche de leur mutation causale. J'insiste sur le fait que je parle bien ici de dépistage néonatal, donc de bébés qui sont vivants. Je parle des 740 000 naissances françaises. Je parle de la recherche d'une mutation particulière d'une maladie gravissime pour laquelle on peut agir sur un plan préventif ou thérapeutique. Je ne parle pas de séquençage de gène. C'est pourquoi toutes les questions qui pourraient se poser en matière de découvertes incidentes n'ont pas lieu d'être dans la proposition dont nous allons débattre. Il s'agit simplement d'élargir les outils disponibles grâce aux progrès de la génomique, à la fois au plan scientifique et technique, mais également au plan économique – parce que la dimension médico-économique de cette approche serait totalement maîtrisée –, ce qui permettrait d'accéder à certaines caractéristiques génétiques du bébé afin de diagnostiquer des maladies particulières pour lesquelles existe une approche préventive.
Je vais donner un exemple. L'amyotrophie spinale touche environ 120 bébés chaque année : ils sont porteurs d'une mutation particulière qui entraîne cette maladie. 70 à 80 de ces bébés sont concernés par la forme la plus grave de la pathologie, qui entraîne un décès avant 24 mois. La moitié de ces bébés décède avant 12 mois et l'autre moitié décède dans les 12 mois suivants. Nous disposons aujourd'hui de thérapeutiques dont on a démontré par des études cliniques que plus on les applique tôt, plus elles sont efficaces, y compris au stade présymptomatique, c'est-à-dire dans une démarche préventive. Le fait de pouvoir identifier la mutation dès la naissance permettrait de traiter l'enfant avant l'apparition de la maladie. Nous sommes là dans le domaine des maladies monogéniques, c'est-à-dire qu'il y a une cause bijective entre la mutation et la maladie. Si on traite l'enfant très tôt, avant que les symptômes ne soient apparus, on enraye l'apparition de la maladie ou en tout cas on en réduit nettement les impacts. Il y a là une vraie question de santé publique. D'ores et déjà, on pourrait sauver environ 70 bébés qui naissent chaque année porteurs de la forme la plus grave de cette maladie.
Cependant, le débat ne doit pas porter sur le dépistage néonatal d'une maladie particulière : dans le cadre d'une loi de bioéthique, il s'agit de savoir si l'on veut permettre l'accès aux caractéristiques spécifiques d'un bébé à des fins de dépistage.