Intervention de Pr. Jean-Hugues Dalle

Réunion du mercredi 4 septembre 2019 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr. Jean-Hugues Dalle :

Je réponds à la question portant sur le don de cellules souches hématopoïétiques fait par un mineur à ses parents. En ma qualité de pédiatre qui a longtemps reçu des enfants donneurs pour leur fratrie, je suis de plus en plus soucieux de la signification de ce don, étant entendu que je pense que le terme de don est ici assez galvaudé : quelle est la capacité d'un enfant à qui l'on demande de donner pour son frère ou pour sa sœur de s'opposer à cela ? Le don entre frères et sœurs est néanmoins protégé par la réception de l'accord des parents par le président du tribunal de grande instance. Dès lors que le don serait dirigé vers l'un des parents, cela crée un conflit d'intérêts majeur entre le parent qui a besoin du don et la protection de l'enfant. Bien évidemment, cela s'entend dans les deux sens : interdire un tel don et interdire à l'enfant de participer à la guérison de l'un de ses parents, c'est extraordinairement lourd de conséquences. Le projet de loi organise un encadrement très strict de ce don : un tiers garant est nommé par le président du tribunal de grande instance ou le juge des enfants ou des affaires familiales ; ce tiers garant ne peut pas être un collatéral ou un ascendant ; le don n'est permis qu'à la condition qu'aucun autre donneur ne puisse être identifié. Je crois que les précautions sont telles que cette situation devrait être permise.

Sur le DPI-HLA – diagnostic préimplantatoire portant à la fois sur la maladie congénitale dont un membre de la fratrie est déjà porteur et sur le fait d'obtenir un donneur sain HLA compatible pour éventuellement guérir un enfant préalablement atteint –, j'ai toujours pensé que la conception d'un « enfant-médicament » allait au-delà de mon engagement médical et je ne trouve cela ni entendable ni dicible. D'autres appellent cela un « bébé du double espoir ». C'est dire qu'il y a différentes façons d'envisager les choses. Cela étant, quand nous expliquons aux familles qu'avoir un enfant non atteint d'une pathologie récessive, c'est trois chances sur quatre – c'est la loi mendélienne – et qu'avoir un embryon HLA compatible, c'est une chance sur quatre. La probabilité de satisfaire simultanément aux deux conditions est donc trois chances sur seize. Comme il y a environ 20 % de chances d'obtenir une naissance vivante après une AMP, la perspective de succès d'une démarche d'AMP faite dans ce but est de un sur vingt. Quand on met ceci en regard de la course d'obstacles qu'est une AMP, bien des familles réalisent que c'est extrêmement difficile. Quand de plus, la loi prévoit que si la fécondation in vitro a donné des embryons sains non HLA compatibles, ceux-ci devront être utilisés avant de réaliser une nouvelle FIV visant à obtenir un embryon sain et HLA compatible, je pense à titre personnel que c'est embarquer les familles dans une technique extraordinairement difficile pour une chance de succès extraordinairement faible. C'est aussi donner à l'enfant sain et HLA compatible qu'on aura fabriqué pour l'occasion un rôle qui me semblent très discutable. Une suppression du DPI-HLA ne me serait pas difficile à accepter.

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