Intervention de Coralie Dubost

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

De nombreuses questions juridiques peuvent être soulevées, ainsi que de nombreuses considérations politiques – j'en ai entendu tout particulièrement dans la dernière intervention. On entend le débat qui a lieu chez les juristes au sujet de la filiation, qui est une conséquence directe de l'extension de l'accès à la PMA à toutes les femmes, y compris les femmes non mariées, donc seules. J'ai le sentiment que l'expression « femme non mariée » vise à écarter l'application de la présomption de paternité qui prévaut dans le cadre du mariage. C'est tout à fait compréhensible. Pour autant, je suis prête à entendre vos avis sur la portée des expressions « femme seule » et « femme non mariée ».

Je suis plus particulièrement intéressée par les propos que vous avez tenus sur les différences entre le titre VII et le titre VII bis, qui renvoient aux fondements de la filiation, biologiques ou de vraisemblance biologique, ou liés à l'engendrement. J'avoue avoir été un peu étonnée, madame Brunetti Pons, quand vous avez parlé de l'engendrement dépourvu de plaisir. Je ne suis pas sûre que ce qui fonde la filiation soit le plaisir vécu dans l'engendrement. Sinon, il y aurait beaucoup d'enfants qui n'auraient pas de filiation. L'un de vous a évoqué la notion de « responsabilité dans la venue au monde » ; est-ce qu'une telle notion permettrait d'encadrer les situations de filiation – par engendrement charnel ou par volonté – sans mettre en concurrence ou hiérarchiser les différents modes d'établissement de la filiation, ce qui garantirait à tous les enfants, sans distinction, de bénéficier d'un lien de filiation avec ceux qui ont souhaité leur venue au monde, quelle que soit la méthode retenue ?

Mme Barthélemy a soulevé l'idée de la corrélation ou de la décorrélation entre la l'établissement de la filiation et l'accès aux origines – ou le secret des origines – pour les enfants conçus avec un tiers donneur. Celui-ci est partie à l'histoire de l'enfant, mais sur un plan strictement biologique, et il n'a aucune responsabilité dans l'éducation de l'enfant. Il me semble que c'est peut-être là que le projet de loi se distingue un peu de 1994. En 1994, lorsque le code civil a consacré l'ouverture de la PMA avec tiers donneur, il a aménagé un régime de filiation fondé, me semble-t-il, sur une filiation volontaire plutôt que biologique – cette filiation est d'ailleurs, pour le père, beaucoup plus solide que les autres dans la mesure où elle ne peut pas être contestée sauf à démontrer que l'enfant n'est pas issu de la PMA ; l'argument biologique en est totalement évacué. Donc, depuis 1994, le titre VII du code civil couvre des situations où la dimension charnelle de la filiation est inexistante. En revanche, l'article 311-20 pose le principe d'une garantie du secret organisée par l'État, ce qui n'est pas sans répercussion sur la question de l'accès aux origines. Puisque l'article 3 du projet permet, au profit de l'enfant, à sa majorité, de lever l'anonymat du donneur tout en préservant celui-ci pour les relations entre le donneur et le couple receveur, pensez-vous que cela justifierait que l'on remplace la notion de secret par celle, plus contemporaine, de respect de la vie privée et familiale ? Le secret serait alors renvoyé à la sphère des relations familiales et ce ne serait plus réclamé par la société, si l'on se réfère à tout ce que nous avons entendu sur l'époque où la PMA, y compris hétérosexuelle, était décriée, dévoyée et perçue comme un adultère sans joie – ce qui revient à peu près à ce que nous avons entendu aujourd'hui ?

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