Intervention de Guillaume Drago

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Guillaume Drago, professeur à l'université Panthéon-Assas Paris II :

Le fondement du projet de loi est l'égalité, une revendication d'égalité en particulier pour les femmes homosexuelles. Or le projet de loi a des conséquences telles qu'il conduit à des inégalités – des inégalités au sens constitutionnel du terme puisque tant le Conseil constitutionnel que le Conseil d'État ont souligné que les couples de femmes n'étaient objectivement pas dans la même situation que les couples hétérosexuels. En soulignant objectivement cette différence et en créant un titre VII bis, le législateur met en place structurellement, juridiquement, une inégalité. Je ne suis pas sûr que si le Conseil constitutionnel était saisi, il accepterait cette inégalité structurelle et même s'il l'acceptait, je pense qu'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme conduirait à une condamnation de la France pour installation de deux systèmes filiatifs différents.

Sur le plan de la constitutionnalité, on peut également s'interroger sur le respect de la vie privée des couples. Mme Anne-Marie Leroyer soulignait tout à fait justement hier que le système même de déclaration anticipée de volonté, par son inscription dans les actes d'état civil, révèle le don et révèle donc l'origine de l'enfant. Cette révélation constitue une atteinte à la vie privée à la fois des couples qui sont à l'origine de la naissance et des enfants eux-mêmes.

Un dernier point me paraît tout à fait important : l'atteinte au principe de responsabilité civile tel qu'il est reconnu par le Conseil constitutionnel depuis plusieurs années. Il me semble que le texte des problèmes potentiels d'engagement de la responsabilité de l'État en conséquence de la loi. On ne peut pas négliger le fait que les enfants issus de ce type d'AMP pourraient mettre en cause la responsabilité des médecins qui ont permis cette assistance, celle des centres hospitaliers qui l'ont conduite, voire celle de l'État du fait de la loi elle-même. Ce n'est pas un système rêvé, artificiel. La Cour de justice de l'Union européenne reconnaît très facilement la responsabilité de l'État du fait de sa législation, et le Conseil constitutionnel la reconnaît aussi à travers la notion d'atteinte à l'espérance légitime. À mon sens, le législateur devrait se poser la question d'une telle mise en cause.

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