Intervention de Victor Deschamps

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Victor Deschamps, maître de conférences à l'université Panthéon-Assas Paris II :

On ne peut pas dire qu'avec la DAV – que ce soit pour les seuls couples de femmes ou pour tous les couples ayant recours à un don de gamètes – la filiation serait établie ab initio. La filiation est un lien de droit qui unit deux sujets de droit. Ce lien ne peut être établi qu'à compter du moment où existent deux sujets de droit, autrement dit au jour où l'enfant est né vivant et viable. Je pense qu'il y a une confusion entre le mode d'établissement et l'établissement lui-même : la filiation ne serait pas établie ab initio, mais on prévoirait ab initio la manière dont elle s'établirait au jour de la naissance de l'enfant et à l'égard de qui. L'effet serait quasi identique à celui d'une reconnaissance prénatale excepté le fait qu'ici la reconnaissance serait préconceptionnelle. L'idée d'associer au consentement et à l'assistance médicale à la procréation la valeur d'une reconnaissance prénatale avait été formulée par certains professeurs de droit dès 1994 : ils avaient estimé que tout aurait été plus simple si l'on avait dit que le consentement à l'AMP valait reconnaissance prénatale de l'enfant. Il subsiste quand même une difficulté dans la reconnaissance d'un enfant qui n'est pas encore conçu. Par ailleurs, ce n'est pas nécessaire puisque les personnes qui consentent à l'AMP ont d'ores et déjà l'obligation de reconnaître l'enfant et, si elles s'en dispensent, le juge établit la filiation sur la base du consentement.

La rétractation du consentement est normalement adressée au médecin chargé de réaliser l'AMP et le code de la santé publique prévoit que, s'il y a rétractation, le médecin a interdiction de réaliser l'AMP. L'hypothèse d'un enfant qui serait conçu après une rétractation ne se rencontre pas. Il est prévu que le consentement serait privé d'effet seulement en cas de séparation du couple. J'attire votre attention sur le fait que cela peut poser un problème lorsque le couple qui a initié la demande vit en concubinage : une éventuelle séparation n'est pas constatée en justice, c'est une séparation de fait. Or, si la femme décide de poursuivre seule le projet initié à deux, elle peut simplement dire au médecin : « on continue, il ne s'est rien passé ». Ceci pourrait être évité en imposant la présence des deux membres du couple au jour de la réalisation de l'AMP.

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