Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Je voudrais m'extraire un instant des aspects strictement juridiques de la filiation pour revenir au fait que nous sortons d'une période où tout était assimilé à la procréation charnelle. On faisait « comme si », on parlait de vraisemblance biologique, c'était « ni vu, ni connu » pour tout ce qui était hors du cas traditionnel. L'adoption a été calquée sur ce schéma avec, initialement, beaucoup de secrets. Cela a évolué et, avec l'AMP, nous devons évoluer davantage et aller vers une transparence, une vérité qui inclut les parents, l'enfant, et le donneur. C'est l'objectif à terme, mais il faut savoir comment nous y allons dans cette phase intermédiaire.

Nous sommes au milieu du gué et l'on voit bien les réticences à une évolution trop rapide. Les rédacteurs du projet de loi nous ont indiqué à de nombreuses reprises qu'ils sont partis d'un schéma où la DAV valait pour toutes les AMP, puis qu'ils ont évolué vers la DAV réservée aux couples homosexuels pour ne pas perturber les couples hétérosexuels. On voit bien le désir de concilier les traditions avec l'évolution nécessaire. Ceci aboutit à deux types de filiation et cette disparité nous pose problème. Pour autant, d'après ce que nous disent les rédacteurs du projet, la DAV serait tout à fait indiquée dans les couples homosexuels du fait de l'impossibilité de faire valoir la vraisemblance biologique que l'on peut encore maintenir plus ou moins artificiellement dans les couples hétérosexuels, ainsi que, semble-t-il, pour une meilleure sécurisation et pour une reconnaissance anticipée utile.

Que proposez-vous pour sortir de ce dilemme, en plaçant au premier plan l'intérêt supérieur de l'enfant, et faire en sorte qu'il ait une filiation bien assurée ainsi que la possibilité d'accéder à ses origines – puisque cela aussi participe de l'intérêt supérieur de l'enfant, sachant que ce droit nouveau ne sera pas sollicité par la majorité des enfants ? On donne un droit qui ne sera pas sollicité – comme c'est trop souvent le cas dans notre pays – parce que les bénéficiaires ne le savent pas. Aujourd'hui 80 % des enfants nés d'un don sont totalement ignorants qu'ils proviennent d'un don. Évidemment, ils ne vont pas demander à accéder à leurs origines puisqu'ils ne le savent pas.

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