Intervention de Myriam Szejer

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Myriam Szejer, pédopsychiatre psychanalyste, attachée à la maternité et au centre de PMA de l'hôpital Foch de Suresnes :

Cela fait des années que je me suis mobilisée sur la levée de l'anonymat, donc je suis assez contente de voir que cette disposition figure dans le projet. Mais, en pratique, certains enfants pourront y avoir accès et d'autres non. Ce n'est pas un problème sur lequel on peut passer rapidement en disant qu'il y aura toujours des secrets. Il y a toujours eu des secrets organisés par les familles. Ils alimentent la névrose ordinaire. Mais lorsque ces secrets sont organisés par l'État, ils deviennent très « persécutifs ». C'est en ce sens que je dis qu'il faut faire attention, car cela peut déclencher des sentiments très violents chez les gens qui en sont les victimes. Ils ont l'impression qu'on séquestre quelque chose qui leur appartient et ils le vivent très mal.

Je souligne que l'ambiance incestuelle dans laquelle vivent ces personnes nées d'un don n'est pas un fantasme de psychanalyste. Ils sont sans cesse exposés à cette interrogation : « est-ce que je désire mon frère, ma sœur, mon père, ma mère ? Est-ce qu'il y a des risques que je fasse des enfants avec eux ? » C'est dans ce climat qu'ils vivent, parfois conscient, parfois inconscient mais toujours générateur d'une angoisse qui prend des formes diverses.

Travaillant dans un centre de procréation médicalement assistée (PMA), j'ai été amenée à recevoir des demandeurs avant même la PMA. Forte de cette expérience, je propose la mise en place systématique d'un entretien préconceptionnel afin de provoquer chez eux une réflexion. Celle-ci est nécessaire pour tous les couples, pas seulement les couples de femmes ou les mères seules, mais tous les couples qui demandent un don – je ne dis pas tous ceux qui demandent une PMA – parce que c'est quelque chose de particulier que d'intégrer de l'étranger dans sa descendance. Intégrer ça dans chaque histoire personnelle et familiale peut se faire avec quelqu'un qui est capable d'écouter avec une forme de neutralité, d'informer voire de conseiller. Cependant tous les centres de PMA ne sont pas pourvus de telles personnes. Le projet prévoit que quand on n'a pas de psychiatre on peut le remplacer par un psychologue… Il faut quand même réaliser que le premier a 12 ans de formation, le second cinq. Leurs formations ne sont pas du tout équivalentes et le seul élément équivalent est en fait la dimension psychanalytique, qui est censée leur apporter une neutralité par rapport à ce qu'ils entendent. Il serait donc intéressant de doter les centres des PMA de personnels formés qui pourraient travailler avec les obstétriciens et recevoir les familles en amont, permettant ainsi une prévention qui est loin d'être négligeable dans toutes ces histoires de dons.

J'émets quelques réserves sur les mères seules, les mères célibataires. J'en ai rencontré un grand nombre et j'ai repéré une importante fragilité chez ces femmes, avec une culpabilité inconsciente ou consciente sur le fait de ne pas avoir donné de père à l'enfant. Surtout lorsqu'elle est inconsciente, cette culpabilité donne naissance à une forme d'anxiété maternelle quant à la manière dont elles vont s'occuper de leur enfant et cette anxiété suscite des attitudes compensatoires : elles vont trop s'en occuper, trop les couver, avoir des idéaux pédagogiques démesurés, etc. Le fait de ne pas pouvoir avoir recours à un tiers pour médiatiser les choses entre elle et leur enfant donne des couples mère-enfant qui sont parfois, voire souvent pathologiques. Donc, j'émets quelques réserves sur l'accès des femmes seules à la PMA, de même que sur l'accès au double don d'ailleurs.

En matière de filiation, j'ai peur que l'inscription à l'état civil du fait qu'il y ait eu une PMA avec don stigmatise les personnes car même si l'acte intégral de naissance a une diffusion restreinte, il y aura quand même des gens qui sauront. Je crains que ce soit trop violent et je pense qu'il faudrait trouver un moyen de faire les choses progressivement et en douceur. Les Centres d'Études et de Conservation des Oeufs et du Sperme (CECOS) doivent pouvoir contacter les donneurs, même si c'est un travail lourd. Je soutiens aussi l'idée d'une plateforme.

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