Intervention de Catherine Jousselme

Réunion du jeudi 5 septembre 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Catherine Jousselme, Professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Paris Sud :

La question de la PMA post mortem est très particulière parce qu'une personne a congelé ses gamètes avec l'idée de pouvoir avoir un enfant. Lorsque la demande est faite quelques semaines avant que la personne décède alors qu'il y a un vrai désir d'enfant, c'est déjà compliqué, mais on ne peut que l'entendre ; lorsque la demande est faite six mois après la mort, on entre dans des problématiques extrêmement complexes pour l'enfant à venir.

Si je compare aux AMP en général, je me dis que c'est pousser trop loin le bouchon que d'avoir un enfant conçu par AMP sans que des parents aient des relations sexuelles alors qu'ils pourraient être féconds. C'est vraiment compliqué. Qui est cet enfant ? Qui sont ses parents ? D'où vient-il ? Il y a vraiment quelque chose de très compliqué. Que des parents puissent avoir une relation sexuelle sans pouvoir avoir d'enfant – car ils sont stériles ou homosexuels – donne une autre dimension car l'enfant est né du désir de ces personnes. La complexification des situations est désormais partout en médecine. Aujourd'hui, on fait vivre des enfants qui naissent à 24 semaines, qui ne sont pas plus grands que la main, qui passent trois mois en réanimation, pour qui l'on met en place un accompagnement des parents. On voit bien que ce n'est pas pareil pour tout le monde : certains parents font ce parcours remarquablement bien parce qu'ils trouvent une équipe qui les prend en charge, d'autres vont être complètement paumés et cela débouche sur une catastrophe. Donc, dans la PMA en général, l'accompagnement est essentiel pour repérer en amont les difficultés possibles et il faut savoir dire non à un certain moment.

Si je suis confrontée un jour à un couple de personnes qui ont une personnalité étrange, qui expliquent que ça ne sert à rien de faire l'amour, qu'ils sont asexuels et qu'ils veulent un enfant par double don de gamètes, je vais beaucoup m'inquiéter pour l'enfant. Je ne suis pas tout puissant, je ne suis pas Dieu, mais je peux me dire qu'avec mon expérience clinique, je peux être très inquiète de la façon dont les parents vont percevoir cet enfant. Considérons une autre situation : une personne qui veut faire une PMA parce qu'elle a peur que ses gamètes soient « mauvais » – au plan biologique ils sont très bons, mais elle a peur de transmettre une mauvaise histoire avec ses gamètes. C'est l'exemple typique d'une histoire que l'on doit parcourir, assumer avant de faire un enfant ; on peut accompagner ces gens en leur disant : « vous n'êtes pas infertiles, vous avez simplement peur de transmettre vos traumatismes ». Beaucoup de gens lisent ces informations sur l'épigénétique et s'inquiètent. Mais là, notre boulot, c'est la prévention et ça consiste à dire : « mais non, vous allez y arriver à avoir un enfant et votre histoire, vous allez la transmettre, elle est difficile, mais on vous aidera à la transmettre, on vous aidera tous ensemble à la digérer et il n'y aura pas besoin de PMA ». Il faut encadrer toutes ces demandes très compliquées. Il faut donc des professionnels formés, pas des gens qui vont en 30 secondes faire semblant de faire le tour de la situation. Il faut des gens qui ont la capacité de dire « non, on est très inquiet, ce n'est pas possible, on ne va pas prendre ce risque-là ou on va demander un autre avis ».

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