Pour ce qui concerne les adoptions chez les couples de même sexe, la théorie du « tout va bien », voire « tout va mieux », dans le cadre d'un amour idéal, a été dominante dans toutes les études pendant 10 ou 15 ans. C'était d'ailleurs surprenant parce que déjà, dans une famille classique, tout ne va pas bien. Donc, on était surpris d'entendre que tout allait bien alors que déjà c'est compliqué à la base. Ce sont les Américains qui ont commencé à lever le lièvre : ils ont fait des études sur ces études et ils se sont rendu compte que près de 60 % des références scientifiques citées dans ces études étaient inexactes. Ils se sont rendu compte que près de 80 % de ces études étaient militantes et dans ce climat très passionnel, il est apparu que toutes ces études qui disaient tout va bien, voire mieux, étaient totalement biaisées… J'ai fait la toute première critique de l'une de ces études, celle du Pr Susan Golombok, cette chercheuse qui est citée comme une référence absolue, et il y avait des biais incroyables dans son étude – on y voyait même que des assertions comme « cela n'a pas du tout d'incidence sur les représentations sexuelles de l'enfant » étaient erronées, même avec les chiffres qu'elle donnait. C'est un sujet il est vrai éminemment complexe et difficile, et depuis 10 ans on commence à voir des études qui disent d'abord que tout ne va pas bien et ensuite que c'est plus compliqué, c'est plus difficile. Donc, il n'y a pas du tout ce côté Bisounours que voulaient nous dire les premières études – j'ai donné toutes les références à la fin de la note que je vous ai remise –, mais une surincidence des troubles dépressifs, toxicomaniaques, anxieux, des troubles de conduite, des tentatives de suicide, etc. Et ce n'est pas étonnant parce que l'on modifie des paramètres de base pour l'enfant et l'on rend son environnement plus complexe.
Pour rebondir par rapport à ces études, je suis surpris qu'aucune étude d'impact n'a été faite pour ce projet de loi : aucune étude sur l'incidence actuelle des AMP n'a été conduite auprès des centres médico-psychologiques (CMP) de France sur le plan de la pédopsychiatrie. Or nous voyons une surincidence des couples adoptifs qui viennent consulter par rapport aux familles non adoptives, et l'on voit aussi cette surincidence pour les PMA avec quatre, cinq, six fois plus de consultations. Cela montre qu'à la base, ça ne va pas bien. Il faut bien comprendre cela.
En matière d'accès aux origines, vous avez droit là encore à un discours militant pur et dur que je reconnais bien parce que pour avoir été membre du CNAOP, je sais reconnaître un discours militant. Depuis les années 1970, 90 000 enfants environ sont nés d'une façon anonyme. Combien tiennent le discours selon lequel ça va mal et il faut supprimer l'anonymat ? Quelques dizaines au maximum, quelques centaines, sur 90 000. Ce n'est vraiment pas grand-chose et vous n'avez pas reçu, je pense, les associations qui disent que l'anonymat ne pose aucun problème. Pourquoi cela est-il possible ? Parce que ces enfants ont pu se représenter un engendrement à partir de leur famille. Là encore, pour revenir à ce qui a été dit tout à l'heure, le couple hétérosexuel qui voudrait accéder à la PMA et auquel on dit que ça pose problème parce que cela signifie faire appel à la science pour contourner la scène de reproduction est exactement dans la même situation qu'un couple de femmes – j'entends un couple de femmes qui seraient fertiles par ailleurs : elles vont faire appel à la science pour contourner une scène d'engendrement symbolique essentielle sur le plan des origines pour l'enfant.
Toute cette histoire d'accès aux origines va biologiser encore plus la filiation, c'est-à-dire retirer à la famille la dimension originaire de son rapport à l'enfant et pousser celui-ci à penser que la solution à ses problèmes existentiels passe par la recherche de ses origines… On le voit parfaitement dans l'adoption. Le plus souvent, il n'y a aucune réponse par rapport à des rencontres, des retrouvailles qui peuvent survenir. Au contraire, cela marque l'échec de quelque chose d'originaire qui s'est passé dans cette famille.
Les risques encourus par les femmes seules sont avérés, non seulement par les études que j'ai recensées dans ma note, mais aussi dans les cas d'AMP. Je vous renvoie à tout ce qui a été dit jusque-là.
Dans toutes les filiations, les enfants vont faire comme si leurs parents étaient leurs parents que ce soit par PMA, par adoption ou autre. L'enfant ne va pas vérifier l'ADN de ses parents. Cette scène originaire, symbolique, à partir d'un homme et d'une femme, où l'enfant se construit une origine, est quelque chose de psychologique qui va être de l'ordre d'une acquisition. Ce n'est pas inné. Cette acquisition se fera à partir de la scène symbolique que représentent ses pères et mère. L'adoption internationale (et même l'adoption tout court) est un bon exemple. Lorsqu'un enfant vient d'un ailleurs, vient d'un pays « ailleurs », il transforme son père et sa mère qui sont occidentaux parce que d'un point de vue psychologique, il pourra faire comme si c'était son père et sa mère. Cette filiation ne repose pas que sur des interactions différentes – c'est quelque chose que l'on n'a pas encore dit : les interactions avec un homme sont radicalement différentes des interactions avec une femme. Une nouvelle fois, il faut se demander pourquoi on va priver un enfant d'interactions spécifiques que seul l'homme pourrait lui donner. Le rôle du père est spécifique car il n'établit pas du tout les mêmes interactions que la femme.
La scène de la filiation repose sur quelque chose de très réel, les fantasmes que l'enfant va nourrir sur ses parents – que ce soit par AMP, que ce soit par adoption, ou sous la couette –, sur ce qu'ils font dans la chambre, parce que de leur chambre il va justement pouvoir fantasmer une scène de conception. À cet enfant adopté qui dit : « je ne comprends pas pourquoi vous faites l'amour alors que vous êtes infertiles », on doit répondre qu'ils font l'amour et que c'est justement grâce à ça qu'il aurait pu venir de cette scène. Ces représentations psychiques et filiatives représentent à la fois quelque chose de l'ordre de la réalité – penser une scène d'engendrement possible et non pas impossible – et quelque chose de l'ordre du symbolique, très porteur pour lui. C'est comme cela que se construit la filiation.