Le texte contient des engagements importants, que nous devons concrétiser collectivement, aussi rapidement que possible. J'espère que le Sénat fera de même.
Ce projet de loi est attendu par un grand nombre d'enfants et d'adultes, qui combattent pour la reconnaissance et l'accès à leur histoire, à leurs origines. Il est aussi attendu par un grand nombre de femmes qui luttent, parfois depuis des années, pour leurs projets parentaux. Nous leur devons une réponse, de manière claire et urgente. Nous devons ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, établir le socle juridique de leur filiation avec leur enfant et garantir aux personnes nées par don un accès à leurs origines personnelles, pour leur dignité.
S'agissant des articles 3 et 4, ainsi que, désormais, des articles 1er A et 4 bis, dont je suis rapporteure, le Sénat a apporté des modifications substantielles.
Je proposerai évidemment la suppression de l'article 1er A, introduit pour affirmer dans le code civil que « nul n'a de droit à l'enfant ». Cette affirmation, qui repose sur un concept juridique inexistant, est dépourvue de portée juridique. Néanmoins, elle risquerait d'être source d'une insécurité juridique. On peut se demander si un tel interdit, de portée très générale, ne remettrait pas en cause l'assistance médicale à la procréation elle-même ou certaines de ses modalités. L'interdiction ainsi posée pourrait entrer en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le respect de la vie privée et familiale. À l'heure où nous le renforçons, il serait dommage de lui porter atteinte dans le même temps. Je veux aussi affirmer que ce texte n'a jamais ni évoqué ni sous-entendu de droit à l'enfant. Il n'y a rien de tel dans le code civil. Cette affirmation a contrario, portée par le Sénat, qui est de nature strictement politique, vise à stigmatiser le recours à l'AMP, d'une manière totalement abstraite. L'adopter nuirait au principe et à la volonté de ce projet, qui veut le meilleur pour les familles et pour les enfants. J'espère que nous nous entendrons tous sur ce point.
Pour ce qui concerne l'article 3, relatif au droit d'une personne conçue dans le cadre d'une AMP par recours à un tiers donneur d'accéder à ses origines, le Sénat a procédé à trois modifications majeures.
Il a d'abord prévu le principe de double consentement du donneur : avant son don pour l'accès à ses données non identifiantes, et lors de la demande de l'enfant issu du don pour l'accès à son identité. Je vous proposerai de revenir sur ce point. Un consentement irrévocable du donneur, préalablement au don, à communiquer ses données non identifiantes et son identité est une condition essentielle, de nature à sécuriser l'enfant. Celui-ci saura qu'il pourra, à sa majorité, s'il le souhaite, connaître les données personnelles du donneur.
Ce sera aussi une sécurité pour les parents, qui, nous l'espérons pour les générations à venir, accompagneront l'enfant dans cette démarche. Outre le fait qu'il permet de garantir à l'enfant l'accès à ses origines personnelles, cette solution couvre l'hypothèse d'un décès du donneur, qui ne fait pas obstacle à la communication de son identité à la personne née de son don. L'accord du donneur à cette communication dans un mouvement de double consentement pourrait y porter atteinte.
Le Sénat a aussi supprimé la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, pour confier l'ensemble de ses missions au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) au sein duquel serait constituée une formation spécifique. Là encore, je proposerai de revenir sur cette modification en rétablissant la commission ad hoc dont la création, plutôt que le recours au CNAOP, a été justifiée dès la première lecture par la différence de situation juridique et psychologique entre les enfants qui sont issus d'un don de gamètes et ceux qui ont été confiés à leur naissance. Il convient de ne pas instaurer de parallélisme entre la situation de ces enfants, au risque de fragiliser les procédures d'AMP avec tiers donneur et d'accouchement dans le secret.
La troisième modification proposée par le Sénat consiste à confier à l'organisme chargé de l'accès aux origines personnelles des enfants conçus par AMP avec tiers donneur la mission de contacter les anciens donneurs en cas de demande d'accès provenant de personnes nées de don sous l'actuel régime de l'anonymat total, et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles sans attendre qu'ils se manifestent spontanément. Je vous propose de conserver cette proposition, qui s'inscrit dans la logique d'un accès facilité des personnes issues de don à leurs origines. Au moment où nous créons l'accès aux origines personnelles, il est bon de donner à ce droit la force d'une unité et d'une cohérence, quelle que soit l'année de la naissance.
Enfin, je présenterai un amendement à l'article 3, qui prévoit le recueil par le médecin du centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) de l'identité de la personne ou du couple receveur, ainsi que la transmission et la conservation de ces données dans le registre placé sous la responsabilité de l'Agence de la biomédecine (ABM) afin de nous assurer de l'effet de la réforme, conformément au souhait que vous aviez évoqué lors des débats en première lecture.
Quant à l'article 4, relatif à la filiation des enfants nés d'un couple de femmes ou d'une femme non mariée par recours à l'AMP avec tiers donneur, le Sénat est revenu sur la quasi-totalité du dispositif, notamment sur le principe d'une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères, en consacrant le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et en établissant la filiation de l'autre femme par une procédure d'adoption accélérée. Cela n'est pas acceptable. Aussi, je vous propose de revenir à l'article 4, tel qu'adopté par l'Assemblée, en y apportant quelques modifications majeures, que je présenterai.