Intervention de Thibault Bazin

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Nous avons beaucoup parlé des femmes endeuillées. De fait, même après six mois, le deuil n'est pas toujours fait. Cela étant, il nous appartient aussi de nous interroger sur les enfants et de nous poser une question fondamentale : peut-on naître d'une personne décédée un à trois ans plus tôt ? C'est techniquement possible, mais est-ce souhaitable ? Monsieur le rapporteur, vous employez beaucoup d'euphémismes, mais, en réalité, vous voulez aller plus loin que le CCNE, qui souhaitait réserver cette possibilité aux couples auparavant engagés dans une procédure d'AMP ayant conduit à la cryoconservation d'embryons que vous appelez « surnuméraires ».

Pourquoi le choix avait-il été fait dès l'origine de ne pas permettre une utilisation post mortem des paillettes de sperme conservées par congélation dans l'azote liquide ? Pour citer l'ancien président de la Fédération nationale des centres d'études et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS), le principal argument était de « ne pas faire un orphelin médicalement assisté ». Il faut respecter certaines limites infranchissables, comme la mort. Les experts psychiatres sont hostiles à l'idée qu'un enfant aurait été, à l'origine, celui d'un mort. Ce principe avait été gravé dans le marbre des premières lois de bioéthique de 1994. Le débat n'a d'ailleurs pas été rouvert en 2004 et en 2011. Certains membres du CCNE considèrent même que contribuer délibérément à la naissance d'un enfant orphelin de père au motif qu'il est le fruit d'un projet parental reviendrait à ériger cette notion en un impératif supérieur à l'intérêt de l'enfant et ferait prévaloir la souffrance de la mère sur celle de l'enfant à venir. Plus grave, peut-être, la volonté du couple de procréer au-delà de la mort risquerait d'être dictée par un désir illusoire de survie à travers l'enfant et ne ferait qu'enfermer la femme dans son deuil et son passé. Il faut être prudent. Mesurons les risques pour la construction de l'enfant, et les pressions possibles sur la femme endeuillée, même six mois plus tard. Ce qui est techniquement possible ne me semble pas ici souhaitable, car cette extension serait un peu exorbitante des capacités humaines.

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