Madame la présidente, je ne vous cache pas que l'organisation des débats est un peu perturbante. Nous aimerions relancer le débat au fur et à mesure des sujets abordés, d'autant que l'article 1er, que la majorité rétablit après sa suppression par le Sénat, intègre énormément de dispositions.
J'aimerais revenir sur la question du père. L'absence du père est, avec celle de l'enfant, un marqueur tout à fait fâcheux du projet de loi, où il n'est question que du désir des parents. Monsieur le rapporteur, vous semblez mésestimer l'importance du père dans la construction psychologique de l'enfant. En première lecture, Mme Buzyn avait même affirmé en substance que ce n'était pas un problème, car n'importe qui, dans l'entourage de l'enfant, peut tenir lieu de père. Ce raisonnement est irrecevable, la réalité le battant en brèche en permanence.
Vous ne pouvez pas déplorer la fragilité des familles monoparentales et l'absence de père dans les familles dysfonctionnelles et, en même temps, la justifier dans les couples de femmes ou parmi les femmes seules en considérant l'important comme étant le seul fait que l'enfant soit accueilli et aimé. Il s'agit d'une faiblesse majeure du texte et d'une rupture fondamentale avec l'histoire de l'humanité et la construction sociale de nos organisations. L'humanité s'est construite sur l'altérité entre le père et la mère, comme l'ont dit, au demeurant, les représentants des églises que nous avons auditionnés.
Par ailleurs, les débats que nous avons eus depuis hier démontrent bien que certains tentent de pousser les feux un peu plus loin. Monsieur le rapporteur, vous ne dissimulez guère la sympathie que vous inspire la gestation pour autrui (GPA) éthique, que vous évoquez régulièrement. Vous avez émis un avis favorable à la PMA post mortem, qui est pour nous une ligne rouge absolue. Ainsi, le présent texte contient en germe les évolutions pressenties.
Il soulève également le problème du domaine marchand qui s'est développé autour de la procréation. Vous avez peut-être lu, et certainement reçu, l'ouvrage d'Olivia Sarton intitulé PMA : ce qu'on ne vous dit pas. Il s'agit d'un travail très documenté sur le business de l'AMP, particulièrement développé aux États-Unis. Or on sait – on peut le déplorer, mais c'est ainsi – que les grandes évolutions sociétales des États-Unis trouvent souvent un prolongement dans nos sociétés quelques années après leur apparition. Il existe un marché autour de l'AMP et de la fertilité en général. Monsieur le rapporteur, j'estime que vous auriez dû émettre un avis favorable aux amendements de notre groupe visant à encadrer strictement le risque de marchandisation de la fertilité.
Enfin, se pose aussi la question de l'évaluation préalable à l'AMP. Si vous avez écouté attentivement, ce dont je ne doute pas, les trois psychiatres que nous avons auditionnés le 5 septembre dernier, vous vous souvenez qu'ils se sont montrés très dubitatifs sur l'AMP. Il leur semblait indispensable de prévoir un entretien préconceptionnel pour les couples demandant un don de gamètes. Un tel entretien est entaché, à vos yeux, d'une possible accusation de discrimination. Pour ma part, il me semble important d'évaluer si les couples demandant une AMP y sont véritablement aptes, car, plus qu'eux-mêmes, cet acte engage le devenir d'un enfant. Sur ce point, le texte est trop faible et trop peu encadrant. Vous ne pouvez pas vous féliciter des dispositions en vigueur en Belgique et refuser de les appliquer en France.