Force est de constater que, s'agissant de l'intérêt supérieur de l'enfant, nous avons des conceptions différentes. La vôtre, monsieur le rapporteur, est à géométrie variable, au gré des projets de loi que nous examinons, selon qu'ils portent sur l'adoption, sur la justice des mineurs ou sur la bioéthique.
En l'espèce, pour mettre un terme à des discriminations entre adultes – hétérosexuels, homosexuels ou femmes seules –, vous en créez de facto entre enfants. Vous avez du mal à me répondre sur ce point. Il ne s'agit pas seulement de questions de cour de récréation, de jalousie entre enfants selon qu'ils sont nés de couples hétérosexuels ou homosexuels, ou qu'ils vivent avec un seul parent. Les enfants issus d'un don de gamètes pourront, grâce au présent projet de loi, connaître l'identité de leur père, ce qui est certes un progrès, car ils le demandent massivement. Toutefois, ils n'auront pas la possibilité d'effectuer une recherche de paternité, ce qui constitue une réduction de leurs droits. Vous prétendez le contraire : c'est faux. De surcroît, la filiation paternelle emporte des conséquences juridiques, notamment en matière de nom de famille, d'héritage et de lien de parenté. Tout cela sera refusé à ces enfants, qui connaîtront peut-être l'identité de leur géniteur, puisqu'on ne peut plus parler de père, mais dont la filiation paternelle ne sera pas clairement établie.
Par ailleurs, vous semblez considérer que le présent projet de loi est une étape sur le chemin de l'AMP post mortem, de la ROPA et de l'ouverture de l'AMP aux trans, ce qui me pose un vrai problème. Des amendements en ce sens ont été examinés, et rejetés de peu. Quant à la GPA, vous n'en contestez absolument pas le principe.
Enfin, nos conceptions respectives de l'embryon diffèrent du tout au tout. Pour moi, il est un enfant à naître ; pour vous, une potentialité d'enfant à naître. Vous balayez donc d'un revers de main nos amendements visant à en améliorer le respect, et notamment à encadrer la production d'embryons surnuméraires. La loi dispose que les techniques permettant d'éviter la fabrication d'embryons en surnombre doivent être privilégiées. Malheureusement, elle n'est pas appliquée. Dans le présent projet de loi, vous allez plus loi et faites fi de la loi en vigueur, dans une transgression qu'il importe de signaler.