Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

L'amendement CS714 propose de rédiger l'article 4 d'une manière que nous jugeons idéale, et qui évite les différences de traitement existant encore entre les couples hétérosexuels et les couples lesbiens dans la rédaction issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Nous souhaitons notamment que la possession d'état, la reconnaissance et la présomption de parentalité soient des moyens d'établir une filiation ouverte à tous les couples, et pas uniquement réservés aux couples hétérosexuels.

L'amendement CS716 vise à rétablir la version issue de l'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, à cela près que nous offrons la possibilité de reconnaissance de la filiation aux couples non hétérosexuels par la possession d'état. Celle-ci permet aux couples d'établir l'existence d'un lien de filiation avec leur enfant, même en l'absence de lien biologique. Or les femmes en couple lesbien ayant un enfant ne peuvent à ce jour bénéficier de ce mécanisme.

L'amendement entend mettre fin à cette discrimination, qui ne repose sur aucune justification. Prenons une famille dont les parents s'occupent de leur enfant depuis plusieurs années, à la vue de tous et sans que personne ne le conteste. La possession d'état leur permet alors de faire établir, par acte notarié, le lien de filiation qui les lie à leur enfant. Elle est établie sur la base de plusieurs faits attestant du caractère continu, paisible, public et sans équivoque du lien de filiation. Pour cela, au moins trois témoignages et de nombreuses preuves doivent être réunis. Comme l'expliquait le Défenseur des droits Jacques Toubon, l'avantage par rapport à l'adoption est de pouvoir agir rétroactivement au jour de la naissance de l'enfant. Il n'y a par ailleurs pas de condition liée au mariage.

Mais cet établissement de la filiation n'est pas ouvert aux couples de femmes. En effet, aucun homoparent séparé n'a encore réussi à faire établir la filiation avec son enfant. La Cour de cassation s'est appuyée sur l'article 6-1 du code civil pour refuser l'établissement de la filiation par possession d'état à une mère d'intention dans un couple de femmes.

Pour que l'article 4 tire toutes les conséquences sur le plan de la filiation de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, nous demandons donc qu'elles puissent bénéficier du mécanisme de la possession d'état, et ce même une fois séparées. Cette disposition permettra aux couples de femmes ayant eu recours à l'AMP avant l'entrée en vigueur de cette loi, mais n'ayant pas la possibilité d'homologuer leur don à l'étranger, de faire reconnaître leur lien de filiation.

Il s'agit d'une question de sécurité juridique pour de nombreuses familles, mais aussi de garantir les droits de l'enfant.

Avec l'amendement CS718, nous proposons également de rétablir la version issue de l'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, mais en y ajoutant pour les couples non hétérosexuels la possibilité d'établir de la filiation par la reconnaissance par l'autre parent. Il nous semble en effet peu crédible qu'une loi dont la vocation est d'être une loi d'égalité organise des différences selon qu'il s'agit d'un couple hétérosexuel ou lesbien ; alors même qu'une extension du droit commun de la filiation ne pose pas de difficulté juridique. Cela nous permet de poser de façon claire cette question au Gouvernement : pourquoi ne pas permettre une égalité réelle entre les couples hétérosexuels et les autres ?

Tout en proposant de rétablir la version issue de l'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, l'amendement CS717 offre aux couples lesbiens mariés la possibilité de reconnaissance de la filiation par la présomption de parentalité. Il s'agit d'une mesure tant de simplification que d'égalité. À l'heure actuelle, la présomption de paternité établit automatiquement la filiation paternelle dans les couples hétérosexuels mariés. La loi présume que le mari est le père de l'enfant né ou conçu pendant le mariage, sans qu'il y ait besoin de preuve ou d'engagement supplémentaire de sa part – et la rapporteure a souligné combien cette présomption de paternité était souvent éloignée de la réalité de la filiation biologique

Nous proposons d'étendre cette possibilité aux couples lesbiens mariés. La vraisemblance biologique, ou son absence ici, n'est pas un obstacle puisque dans les couples lesbiens la filiation et la biologie sont de toute façon distincts. Il n'est pas question de créer une illusion de lien biologique mais de leur donner, en toute égalité, les mêmes possibilités qu'aux couples hétérosexuels de faire reconnaître leur filiation de manière automatique dans le cadre du mariage.

Rappelons par ailleurs, pour ce qui est de la vraisemblance biologique, que les couples hétérosexuels conservent ce droit à la présomption de paternité y compris lorsque l'enfant est issu d'un don de sperme.

Enfin, le projet de loi laisse subsister les difficultés d'établissement de la filiation à l'égard de leurs enfants pour les personnes ayant effectué une modification de la mention de leur sexe à l'état civil. L'amendement CS720 prévoit à cet effet que le régime de droit commun pour l'établissement de la filiation puisse être appliqué lorsque des personnes ont eu des enfants sans intervention médicale ou grâce à une AMP sans tiers donneur.

L'organisation de la discussion rend quelque peu artificielle la présentation de cette série d'amendements, dont chacun aura compris qu'ils constituent des amendements de repli faisant suite à un amendement principal CS714. Je souhaite donc que la rapporteure donne son avis sur les différents amendements examinés.

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