Intervention de Jeanine Dubié

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

À de nombreux égards et pour longtemps, l'épidémie de covid-19 a profondément bouleversé notre pays, engendrant une triple crise sanitaire, économique et bientôt sociale. Au-delà des nombreuses victimes et des personnes durablement touchées par la maladie, notre système de santé a été mis à rude épreuve et les dépenses d'assurance maladie ont rapidement progressé en raison des achats de matériels de protection, des hospitalisations ou du financement des heures supplémentaires exercées par les personnels soignants.

L'arrêt total de notre économie que le confinement a imposé a conduit le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour soutenir les entreprises et sauvegarder l'emploi. Le dispositif d'activité partielle ainsi que le report voire l'annulation des cotisations sociales pour les petites entreprises sont à saluer, même si, nous le savons, ces mesures auront un impact lourd et durable sur nos comptes sociaux.

Le déficit de la sécurité sociale devrait ainsi atteindre 52,2 milliards d'euros en 2020, un niveau que le ministre de l'action et des comptes publics juge très inquiétant. Le précédent record, atteint en 2010 pendant la crise financière, était de 28 milliards d'euros, soit un peu plus de la moitié.

Les présents projets de loi proposent de transférer la dette sociale liée à l'épidémie de covid-19 à la CADES, alors que celle-ci devrait être reprise par l'État. Le caractère exogène de la crise justifierait une telle décision. Il n'y a pas de raison que la dette générée par les mesures prises par le Gouvernement pour faire face à la crise pèse sur la sécurité sociale, de la même manière que les mesures d'urgence prises durant la crise des « gilets jaunes » auraient dû être compensées par l'État.

Par ailleurs, avant même la crise sanitaire, la nécessité de renforcer notre système de protection sociale exigeait des investissements élevés. Notre groupe pointait déjà les insuffisances du dernier PLFSS pour faire face à cette situation. Avec la crise, l'enjeu s'impose avec une urgence accrue, mais nos marges de manœuvre en termes de financement se sont considérablement réduites. Ainsi, la prolongation de la CADES est nécessaire, mais probablement à moins long terme que 2033.

Notre groupe avait plaidé pour repousser l'extinction de la caisse afin de dégager des financements et des investissements non seulement pour les hôpitaux, mais également pour prendre en charge la dépendance. À ce titre, nous avions soutenu la proposition de Dominique Libault.

Or il est évident que l'absence d'une loi sur la prise en charge de la dépendance, sans cesse repoussée, et l'insuffisance des moyens alloués à ce secteur ont eu une incidence sur le drame qui s'est déroulé dans nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le contexte actuel nous invite donc à légiférer en ce sens, de manière urgente.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement esquisse ici un premier pas vers la création d'une cinquième branche dédiée au financement du risque de la dépendance. Notre groupe y est plus que favorable, même s'il eût préféré la création d'un cinquième risque au sein de la branche maladie, qu'il a d'ailleurs proposé à de nombreuses reprises. Nous devons toutefois considérer qu'il s'agit là d'un premier pas.

Par ailleurs, l'avenir de l'article 4 du texte de loi interroge, puisqu'il semblerait que la décision soit déjà prise. Il ne s'agit donc plus d'étudier l'opportunité d'un risque ou d'une branche relatifs aux prestations contre la perte d'autonomie.

Nous considérons que la prise en charge de la dépendance pour retarder la perte d'autonomie doit passer par la solidarité nationale. Il est temps de concevoir la dépendance comme un véritable risque social, qui concerne aussi bien les personnes en situation de handicap que les personnes âgées.

Monsieur le ministre pouvez-vous confirmer que la nouvelle branche concernera non seulement les personnes âgées mais aussi les personnes en situation de handicap ? Pouvez-vous préciser quel en sera le périmètre ? Concernera-t-elle aussi bien les prestations comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou la prestation de compensation du handicap, la réforme de la tarification des établissements ainsi que la réorganisation du champ médico-social et son décloisonnement avec le champ sanitaire.

Enfin, si nous saluons la décision d'affecter une fraction de la CSG à la CNSA, celle-ci ne représentera que 2,3 milliards d'euros à partir de 2024, alors que le rapport Libault estime le besoin de financement à 7 milliards d'euros dès 2024 puis à 10 milliards d'euros en 2030. Il semble urgent de trouver des financements supplémentaires. Notre groupe fera des propositions en ce sens.

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