Intervention de Caroline Fiat

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

À l'occasion de la crise de la covid-19, de nombreuses recettes de la sécurité sociale ont été coupées du fait de la baisse d'activité et des reports des cotisations. Dans le même temps, les dépenses sociales se sont accrues. Notre sécurité sociale est fébrile et nécessite des mesures fortes car les enjeux sont colossaux. C'est l'objet même de notre discussion aujourd'hui.

Pour combler la dette sociale, vous pourriez mettre fin aux exonérations de cotisations que vous aviez votées lors des derniers PLFSS et qui ne sont pas intégralement compensées par l'État. Vous pourriez rétablir un impôt de solidarité sur la fortune ou annuler une partie de la dette sociale, totalement illégitime. Vous pourriez lutter efficacement contre le chômage en réduisant le temps de travail. Or vous faites tout l'inverse, en promouvant les heures supplémentaires, que votre majorité a défiscalisées.

Dans ce projet de loi, vous faites le choix de poursuivre tête baissée dans l'absurde et d'endetter la sécurité sociale via la CADES, à hauteur de 136 milliards d'euros. Chose inédite : vous vous endettez pour des dettes qui n'existent pas encore. Vous entérinez ainsi votre renoncement à remettre sur pied la sécurité sociale. Cette politique d'endettement justifiera des coupes drastiques, alors même que notre assurance chômage et notre système de santé ont démontré leur importance cruciale pour la société.

Une fois de plus, ce sont les moins aisés qui paieront. Le remboursement de la dette sociale ne sera pas financé par des cotisations sociales mais par deux impôts très peu progressifs, la CRDS et la CSG. Vous faites donc peser la crise de la covid-19 sur tout le corps social, au lieu de mener une politique de redistribution des richesses, comme nos grands-parents ont su le faire après-guerre.

Une fois encore, la dette accumulée profitera aux spéculateurs. La Caisse des dépôts et consignations pourrait faire un prêt à l'ACOSS le temps que la dette sociale se résorbe. Mais non, vous faites le choix des marchés financiers.

Dans un rapport de l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC) du 16 septembre 2017, nous apprenons que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À cette date, la CADES avait remboursé depuis sa création 140 milliards d'euros de dettes sociales, essentiellement grâce aux impôts. Dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d'euros d'intérêts aux créanciers. Une partie importante des recettes fiscales destinées à rembourser la dette sociale est ainsi utilisée pour payer des intérêts et des commissions aux banques privées qui spéculent dessus – une honte ! Un audit citoyen sur la dette sociale pour faire la lumière sur cette spéculation est un impératif de justice sociale.

Cette politique antisociale est injustifiable après le mouvement des « gilets jaunes » et la crise de la covid-19. Nos services publics et notre sécurité sociale doivent être renforcés, et ne doivent souffrir d'aucune coupe budgétaire supplémentaire.

Comble d'absurdité, pour faire passer la pilule de ce projet de loi, vous communiquez sur la création d'une cinquième branche pour la perte d'autonomie. Mais si une cinquième branche voit le jour, elle doit être financée par les cotisations sociales, non par le CSG ; elle doit recevoir des fonds à la hauteur des enjeux. Dans notre rapport sur les EHPAD, nous chiffrions les besoins pour le financement d'une cinquième branche à 20 milliards d'euros, au minimum, soit 1 point du produit intérieur brut (PIB), dès maintenant.

Ne pas financer cette politique du grand âge, c'est acter le fait que les familles devront s'endetter pour s'occuper de leurs aînés, ce qui est inacceptable.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, non seulement vous poursuivez la casse de la sécurité sociale mais en plus, vous mettez en place de nouveaux mécanismes qui creuseront son endettement et justifieront des mesures d'austérité dans le futur, le tout, sous couvert de la création d'une cinquième branche, pur élément de communication pour le moment.

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