Intervention de Olivier Véran

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Olivier Véran, ministre :

Monsieur Christophe, l'expérience passée montre qu'il est possible, le cas échéant, de ne pas attendre 2033 pour rembourser la dette. En effet, l'extinction de la dette de la CADES était à l'origine prévue pour 2025, mais le dynamisme des recettes de la CSG et de la CRDS ainsi que l'apport de 2 milliards d'euros du FRR nous avait permis d'envisager le remboursement de la dette sociale au 1er semestre 2024. Si d'aventure nous retrouvions le même dynamisme, il serait possible soit de réduire la fiscalité soit d'anticiper le remboursement de cette dette.

En ce qui concerne l'information du Parlement, le projet de loi prévoit un rapport. Par ailleurs, outre les concertations, les annexes du PLFSS seront enrichies et intégreront des chiffres sur les dépenses des collectivités locales.

La reprise de la dette est évaluée à 136 milliards d'euros, car nous anticipons une augmentation des dépenses et des déficits liée à la queue de l'épidémie mais qu'il nous est très difficile de quantifier précisément. D'où, monsieur de Courson, le fait qu'il est encore prématuré de présenter au Parlement un PLFRSS. Nous attendrons donc la rentrée mais vous proposons en attendant ces projets de loi, qui permettent de parer au plus pressé.

Ces 136 milliards représentent la somme des 30 milliards de dette de l'ACOSS fin 2019 et des 52 milliards de la dette sociale liée pour une grosse part au chômage partiel et pour 6 à 8 milliards d'euros à des dépenses de frais de matériel ou à de la surconsommation de soins intégrées dans l'ONDAM. Il faut encore ajouter à cela la reprise de la dette hospitalière avec les intérêts, ainsi que des dépenses prévisionnelles qui n'ont pas encore été réalisées mais dont on peut craindre qu'elles le soient dans les prochaines semaines. La ministre du travail vient d'annoncer que 80 % de la France était au travail : cela veut dire qu'il y a encore bon nombre de Français qui sont au chômage partiel, ce qui a un coût pour les finances publiques.

L'Inspection générale des affaires sociales m'a rendu un rapport sur les modalités de la reprise de dette des hôpitaux. Il n'y aura pas de répartition automatique basée sur l'encours, mais c'est au niveau régional que cela se décidera, en fonction des projets. Ces modalités seront précisées d'ici au PLFSS 2021.

Enfin, monsieur le rapporteur général, sans attendre l'affectation annuelle de 2,3 milliards d'euros par an à partir de 2024 à l'autonomie, une conférence des financeurs doit nous permettre d'identifier des modalités de financement des actions qui vont être mises en place pour la prise en charge de l'autonomie.

Si nous n'opérons pas ce transfert de 0,15 point de CSG de la CADES vers la CNSA dès 2021, c'est qu'il nous faut tenir un engagement important pour la crédibilité des finances publiques de notre pays, qui nous impose de rembourser la dette sociale selon un échéancier précis jusqu'en 2024. Au-delà, le tableau d'amortissement de la dette peut être revu, puisqu'il s'agit en quelque sorte d'une prorogation.

Madame Dupont, vous avez salué la décision historique de créer une cinquième branche. Je tiens, moi, à saluer la détermination et la mobilisation sans faille de l'ensemble des parlementaires sur la perte d'autonomie. C'est grâce à elles que ce beau projet peut aujourd'hui voir le jour, quels que soient les doutes que vous puissiez nourrir sur votre faculté à peser sur les grandes décisions.

Cela m'amène à la question du cinquième risque ou de la cinquième branche : le Gouvernement n'a pas arbitré entre ces deux choix, qui doivent faire l'objet d'un rapport. Dans l'un et l'autre cas, quoi qu'il en soit, il s'agira d'une dépense sociale organisée et structurée, qui viendra consacrer l'engagement pris par le Président de la République de faire appel à la solidarité nationale et non à des systèmes privés par capitalisation pour financer la perte d'autonomie. C'est à l'automne, je le redis, à l'issue de la concertation, qu'auront lieu les discussions sur les recettes.

M. Perrut propose, à cet égard, d'augmenter les cotisations et d'affecter une part de CSG supplémentaire à la perte d'autonomie, au lieu de ponctionner cette part sur l'argent de la CADES. Mais le choix du Gouvernement est clair : nous n'augmenterons pas les impôts et, dans le cadre de la démocratie sanitaire, c'est à une conférence des financeurs qu'il reviendra de déterminer les meilleures solutions de financement, d'ici à 2024.

On ne peut pas dire que l'État ne fait pas d'économies, et encore moins que le financement de la sécurité sociale fait peser le coût de la reprise de dette hospitalière sur les Français. L'État a été et sera fortement mis à contribution pour éponger tout ou partie des dettes inhérentes à la crise épidémique.

Cela étant, les remarques de Boris Vallaud sur le statut de la « dette covid » sont légitimes : revient-il à l'État ou à la sécurité sociale de la prendre en charge ? Ce débat relève du PLFSS et non de ces deux projets de loi qui, à aucun moment, ne tranchent la question.

Par ailleurs, non seulement l'État assume sa part des dépenses inhérentes à la crise, mais, de surcroît, on peut sans doute considérer que les quelque 40 milliards d'euros qui ont financé le chômage partiel sont une dépense sociale, même si la mise en œuvre de cet amortisseur social n'a pas été décidée par la sécurité sociale. Dont acte. Néanmoins, cela posé, il me paraît vain de laisser perdurer une dette de 50 milliards d'euros pendant qu'on mène un débat philosophique pour savoir qui doit l'absorber. Si l'on veut garantir que l'État paie les prestations sociales en temps et en heure, il y a urgence, et faire un transfert à la CADES permettra en outre d'enrichir la protection sociale d'une nouvelle branche ou d'un nouveau risque.

Monsieur Vallaud, vous dites que nous hypothéquons des dépenses sociales, mais quand a-t-on vu, dans notre pays, que l'État, au sortir d'une crise où il joué le rôle d'amortisseur social, ait engagé, comme nous le faisons, une revalorisation sans précédent des salaires de deux millions de soignants ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.