Intervention de Arnaud Merveille

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Arnaud Merveille, vice-président du conseil départemental de la Meuse chargé de l'environnement et la transition énergétique, représentant l'Assemblée des départements de France :

Je vous remercie pour cette initiative. Les départements partagent les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et de transition écologique. Plusieurs points clés du projet de loi appellent néanmoins notre attention.

Cela a déjà été souligné, les SRADDET seront l'outil principal de mise en œuvre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) dans les territoires. L'ambition portée par le projet de loi est intéressante, mais elle doit en priorité émaner des territoires. Les SRADDET doivent être issus d'une concertation et d'une construction entre les acteurs de terrain ; une PPE territorialisée doit être la somme des potentialités de projets de production locale en matière d'énergie.

L'Assemblée des départements de France (ADF) souhaiterait que les départements volontaires soient également légitimés dans la mise en œuvre de diagnostics territoriaux de production d'énergies renouvelables, voire de stockage et de réduction des émissions. En effet, ce sont des acteurs locaux importants et ce type de démarche pourrait venir nourrir la régionalisation des objectifs intégrés dans les SRADDET. Plusieurs départements ont développé des diagnostics territoriaux globaux, comme l'Aude ou la Meuse. En outre, cette initiative va de pair avec une compétence départementale, celle de la solidarité territoriale. Enfin, cela permettrait d'atteindre les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout en bénéficiant à la fois d'un audit, d'objectifs et d'une évaluation dans le cadre des révisions.

Un deuxième point retient notre attention : le volet routier et la vignette poids lourds. Le projet de loi vise bien sûr à favoriser les transports de marchandises moins émetteurs de gaz à effet de serre, mais cela doit aller de pair avec un financement pérenne et écologique des routes. Or le modèle économique actuel des infrastructures routières n'est pas viable. Elles sont financées par le budget général de l'État et des collectivités et constituent très souvent des variables d'ajustement, alors qu'elles nécessitent des investissements à long terme, exigeant de la visibilité. Nous partageons ce constat avec les régions, d'autant que les éventuels déclassements et transferts de voies en direction des régions ou des départements nécessitent une évaluation préalable ainsi qu'une remise en état, et donc des financements importants. Enfin, les infrastructures routières ne doivent pas nous faire oublier les modes de déplacement doux.

Troisième axe de réflexion : la rénovation énergétique des bâtiments. Nous y reviendrons probablement à l'occasion de l'examen de l'article 43. Elle est fondamentale pour accélérer la décarbonation et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, il ne faut pas uniformiser les objectifs à l'échelle nationale, sans prendre en compte les réalisations ou les spécificités de certains territoires. Nous plaidons donc pour une coconstruction de ce service public avec les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin que les départements puissent jouer pleinement leur rôle au titre de leur responsabilité en matière de précarité énergétique et de solidarité territoriale. Ne répétons pas nos erreurs : il y a quelques années, la directive dite « Nitrates » avait fait l'objet d'une application uniforme sur le territoire, qui ne prenait pas en compte les spécificités locales.

S'agissant de l'artificialisation des sols et de la biodiversité, nous voyons d'un très bon œil la réintroduction du droit de préemption sur les espaces naturels sensibles (ENS) et souhaiterions que l'ambition – mettre en place des périmètres sensibles et les conserver – soit clairement inscrite dans le projet de loi.

Les objectifs liés à la restauration collective sont un élément important de lutte contre le réchauffement climatique, mais également de résilience de nos territoires. Les collectivités locales sont pleinement engagées. Elles souhaitent, là encore, travailler en coconstruction pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGALIM. Il faut structurer les filières agricoles, accompagner nos agriculteurs dans la conversion de leurs terres et dans l'adaptation des outils de production. Très souvent, les agriculteurs savent produire, mais ils ne savent pas transformer, vendre et transporter. Les chambres consulaires apportent un appui important.

Il nous faut aussi mieux utiliser le code des marchés publics pour la restauration collective. Les départements sont pleinement engagés dans la mise en œuvre des projets alimentaires territoriaux (PAT), mais également des labels ou des circuits locaux de production.

Deux derniers sujets suscitent le débat dans les territoires : la gestion de l'eau et celle des déchets. Il faut accompagner les collectivités pour améliorer les réseaux d'eau et protéger cette ressource, vitale pour l'avenir. Il faut également optimiser nos quantités de déchets. Dans les deux cas, gardons en tête l'équation difficile que les collectivités compétentes doivent résoudre : il s'agit de faire comprendre aux administrés qu'il faut consommer moins, et mieux, d'eau, trier plus et générer moins de déchets, alors que leurs factures ne diminuent pas, pour préserver l'équilibre financier des structures gestionnaires.

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