J'interviens conjointement avec M. Sylvain Robert, maire de Lens, au nom de l'Association des maires de France. Je ne reviendrai pas sur les points évoqués par mes prédécesseurs afin de ne pas être redondant.
Le projet de loi s'inscrit parfaitement dans la continuité des travaux législatifs : Charte de l'environnement de 2004, Grenelle de l'environnement et stratégie nationale pour la biodiversité qui en a découlé, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, loi dite « EGALIM », etc. Depuis vingt ans, au-delà de sa diversité et des évolutions politiques, la représentation nationale a beaucoup contribué à faire progresser le débat. Le présent projet de loi permettra de compléter cette œuvre avec des dispositions utiles et, nous l'espérons, applicables, visant à mieux prendre en compte les conséquences des dérèglements climatiques et à doter l'État et les pouvoirs locaux de nouveaux outils.
Tout est utile dans le projet de loi ; certaines dispositions le sont plus particulièrement pour leur caractère hautement symbolique. Mais derrière le symbole que constitue la consigne du verre – que les plus anciens, dont je fais partie, ont connue il y a une cinquantaine d'années –, il ne faut pas mépriser les risques d'effets pervers sur la gestion, actuellement équilibrée, de la collecte des déchets.
D'autres dispositions ont un caractère concret mais brillent par leur imprécision. Ainsi, en matière de marchés publics, un au moins des critères devra prendre en compte les caractéristiques environnementales de l'offre. Il conviendrait d'apporter des précisions, sans pour autant enfermer les collectivités dans des dispositions trop strictes. En effet, souvent, les obligations européennes et nationales liées aux marchés publics rendent très difficile la déclinaison locale de politiques vertueuses, notamment en matière de développement durable.
Autre exemple d'imprécision : les dispositions relatives à l'artificialisation des sols. Quels critères objectifs appliquer et quelles seront les conséquences concrètes dans les territoires ? Il est difficile de le comprendre.
L'Association des maires de France (AMF) estime inappropriée la disposition relative à la restauration scolaire. Alors qu'une expérimentation, en application de l'article 72, alinéa 4 de la Constitution, obligeant à proposer un menu végétarien par semaine est en cours et n'a pas encore été évaluée, le texte instaure une expérimentation visant à prévoir un repas végétarien par jour ! C'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. J'ai eu l'honneur de représenter l'AMF au sein du groupe de travail mis en place par le Conseil d'État pour faire le bilan de la mise en œuvre des dispositions découlant de l'article 72, alinéa 4 ; nous avions souligné que l'évaluation était justement une des fragilités du dispositif. Ce serait un comble qu'une expérimentation chasse l'autre, avant même que les effets de la première aient pu être évalués !
Enfin, je souhaite appeler votre attention sur le décret relatif au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) dont la publication, le 30 décembre, a pu échapper à beaucoup : les dispositions restreignant les compensations pour un montant non négligeable de 200 millions d'euros portent essentiellement sur les dépenses d'investissement des collectivités locales relatives à l'environnement et au développement durable. L'AMF plaide pour un minimum de cohérence entre les dispositifs fiscaux d'encouragement et les dispositifs législatifs.
Ce projet de loi est frappé d'un sceau trop souvent rencontré dans le domaine législatif, celui de la verticalité. Mon collègue représentant les régions l'a rappelé : la verticalité est à sens unique, et descend, une fois de plus, de l'État vers les collectivités, sans souci ni de la décentralisation, ni de la différenciation. La décentralisation peine à se traduire dans les faits, et les missions décentralisées le sont sans les moyens correspondants. Certes, c'est confortable pour l'État, mais tout à fait déplorable compte tenu de la situation financière que les collectivités locales connaissent depuis dix ans.
En outre, le rapport du Conseil d'État précité rappelait que la différenciation est indispensable. Même si le principe d'égalité de tous devant la loi reste un principe sacré de notre République, il n'y a pas d'égalité si l'on ne permet pas à chaque territoire d'appliquer de manière différenciée la même règle commune, en fonction de ses caractéristiques, de son histoire, de sa culture, de ses difficultés, de ses contraintes, de ses atouts. C'est seulement dans ces conditions que les dispositions prises par le législateur, aussi bonnes soient-elles, pourront être appliquées au plan local, au plus près de nos concitoyens et dans l'intérêt général.