Intervention de Michel Neugnot

Réunion du jeudi 18 février 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche Comté et président de la commission « Transport et mobilités » de Régions de France :

La verticalité est inhérente à la méthode retenue : la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a travaillé, ses propositions ont ensuite été déclinées dans le projet de loi. Certes, Régions de France a été amenée à débattre des enjeux globalement, au niveau national, mais elle n'a pas été associée aux travaux de la CCC. La LOM, au contraire, avait été précédée par les Assises de la mobilité, qui avaient été l'occasion d'organiser une concertation globale. Nous n'avions alors pas eu le même sentiment de verticalité.

Formuler des propositions n'est pas une manière pour nous de rejeter toutes ces dispositions ; il s'agit de les rendre applicables, ce qui suppose de laisser aux collectivités le temps suffisant. L'élaboration des SRADDET, par exemple, a déjà fait l'objet de nombreuses discussions. La question de l'artificialisation des sols est d'ailleurs abordée dans ces documents, soit à l'échelon inférieur par rapport à ce que prévoit le projet de loi, soit à l'échelon supérieur mais en prévoyant une différenciation. Nous ne sommes donc pas opposés au principe, mais nous demandons que sa mise en œuvre soit plus réaliste. On ne peut pas demander à des citoyens tirés au sort d'avoir une vision précise de l'organisation territoriale et d'en tirer des conséquences pour les propositions qu'ils ont formulées.

Le financement des mobilités est un enjeu essentiel. Nous vous transmettrons des propositions d'amendement pour vous sensibiliser à la question. Plutôt que d'envisager de créer telle ou telle taxe, il faut aborder le problème de manière globale, étant entendu que, depuis que les régions ont la liberté tarifaire, elles ont déjà fait beaucoup pour accroître l'offre – on parle beaucoup du train, mais il faut considérer l'ensemble des transports en commun entrant dans le champ de la compétence « mobilités », y compris les cars.

La TICPE est l'un des leviers d'action ; si nous décidions de modifier la part régionale, nous l'assumerions. La diminution à 5,5 % de la TVA sur les billets de train en est un autre. Cela dit, avec la crise de la covid-19, se pose la question du financement des infrastructures de transport. J'ai l'impression que l'on joue au sapeur Camember : on bouche des trous en en creusant d'autres ailleurs !

La crise révèle une diminution très forte de l'appétence envers le train : selon les régions, la fréquentation se situe entre 40 % et 50 % du niveau observé antérieurement. Les régions vont donc être tentées par une logique malthusienne, ce qui se traduira par des recettes inférieures pour SNCF Réseau. Celui-ci n'aura donc plus les moyens des ambitions fixées par l'État actionnaire et ne pourra plus réaliser les investissements en temps et en heure.

Le financement des autres types d'infrastructures de transport pose lui aussi problème : il y a là un enjeu global. Pour y faire face, il faut se garder de raisonner de manière morcelée. Comme le disait M. Hubert Wulfranc, une loi de programmation serait l'alpha et l'oméga. Développer les mobilités suppose de disposer des infrastructures adaptées aux besoins de transport, quels qu'ils soient, ce qui nécessite une lisibilité dans le temps. Or on ne sait pas ce qu'il adviendra après 2022. Si le Gouvernement prenait l'engagement, lors du débat législatif, d'élaborer une loi de programmation relative au financement des infrastructures, cela éviterait de construire les mobilités sur du sable.

Toutes les idées concourant au financement des infrastructures sont bonnes à prendre, naturellement, mais certaines régions aimeraient que l'on développe les sociétés de projets : c'est un outil qui peut être utilisé quel que soit le type d'infrastructure.

Nous sommes d'accord avec l'extension des ZFE-m aux agglomérations de plus de 150 000 habitants, à condition qu'il y ait une coordination avec les régions, car les transports collectifs dont celles-ci ont la charge peuvent en être affectés. Les régions ne doivent pas être oubliées, d'autant que la LOM leur a confié le rôle de chef de file des mobilités, notamment en matière d'intermodalité.

En ce qui concerne la tarification, les régions travaillent déjà à la question ; le projet de loi permettra d'avancer. Toutefois, un toilettage est nécessaire : certains tarifs sociaux nationaux, hérités du passé, ne sont pas appliqués car totalement obsolètes, y compris s'agissant des personnes à mobilité réduite. La loi devrait se pencher sur cette question : ce serait faire preuve de pragmatisme. Mieux prendre en compte la réalité permettrait aussi d'être plus efficace.

Le projet de loi entend favoriser les parkings-relais, mais il faut voir plus large, car ils ne concernent que les villes. Les aires de covoiturage en milieu rural, en périphérie des AOM urbaines, doivent, elles aussi, voir leur développement encouragé. Quand on voit les automobilistes rouler à la queue leu leu sur les grands axes pour aller entasser leurs véhicules en ville, alors qu'ils n'ont qu'une trentaine de kilomètres à parcourir, on se dit qu'il y aurait quelque chose à faire. On pourrait les rassembler : il vaudrait mieux mettre 50 personnes dans un car que de laisser circuler cinquante voitures. C'est possible grâce à la LOM, qui a créé les contrats opérationnels de mobilité, conclus à l'échelle des bassins de mobilité et qui permettent d'associer les communautés de communes et les AOM. On pourrait également définir, en concertation avec les départements, des schémas régionaux et des conventions prévoyant la construction d'aires de covoiturage et la mise en place de services réguliers de cars aux heures de pointe.

L'article 34 dispose que des habitants tirés au sort siégeront dans les comités des partenaires. Je rappelle que ces instances existent à deux niveaux : la communauté de communes, lorsque celle-ci a la compétence « mobilités », et la région. En ce qui concerne leur composition, la LOM est très permissive : elle fixe un minimum, libre ensuite aux AOM d'enrichir ces comités, ce que les régions ont d'ailleurs l'intention de faire.

Faut-il imposer par la loi la présence de personnes tirées au sort ? Le travail dans ces comités demande un investissement dans la durée, des échanges, mais aussi une certaine spécialisation. Développer des infrastructures de transport, y compris pour y faire circuler des vélos, ne se fait pas d'un coup de baguette magique : il faut d'abord les financer, puis les construire. Les projets s'élaborent sur le moyen et le long terme.

Par ailleurs, la LOM permet déjà une très large concertation avec tous les acteurs. Dans ma région, nous avons fait entrer dans le comité des partenaires les organisations syndicales d'employeurs et de salariés, car nous savions d'expérience que c'était utile : lors de la création du « ticket mobilité », financé avec l'aide des entreprises, nous avions constaté qu'il fallait, pour avancer, réunir toutes les parties prenantes.

On peut aussi envisager de favoriser le développement des associations d'usagers, y compris en les finançant – à condition qu'elles soient rattachées à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) –, et faire en sorte qu'elles participent au comité des partenaires.

D'autres voies, plus efficaces que le tirage au sort, existent donc – je suis prêt à donner des exemples concrets. Il est nécessaire d'associer les citoyens, mais l'imposer par un tirage au sort n'est pas forcément la meilleure manière de procéder, même si ceux qui souhaitent y avoir recours doivent pouvoir le faire. Là encore, mieux vaut éviter ce qui pourrait apparaître comme une verticalité imposée.

La taxation du transport de marchandises par la route a une histoire… Jusqu'à présent, tout le monde s'est « planté ». Selon que vous êtes breton ou alsacien, la perception des choses n'est pas la même. Depuis que l'Allemagne a mis en place une telle taxe, les poids lourds préfèrent emprunter les routes alsaciennes et ne font que traverser la France ; il est donc légitime d'envisager un tel mécanisme. Dans le cas des Bretons, c'est un peu plus compliqué.

Il y a là une difficulté : des expérimentations sont certes possibles, mais en l'état actuel du droit, seul l'État peut instituer une telle taxe – quitte à l'adapter, en accord avec les régions et les départements. On ne peut laisser accroire que chaque région pourrait appliquer à sa convenance une disposition de ce type. Cela supposerait un saut qualitatif important en matière de décentralisation, un abandon de compétence très fort de la part de l'État ; je ne suis pas sûr que le Gouvernement et le législateur aient l'intention d'aller aussi loin !

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