Sur beaucoup de points, nous partageons le même angle de vue que le MEDEF. La CPME a toujours été très en amont dans le domaine du développement durable. Nous disposons ainsi d'une commission spécialisée qui siège depuis des années et, en décembre 2017, nous avons signé une belle délibération commune avec les partenaires sociaux présentant notre doctrine de déploiement de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans les PME.
Nous partageons, bien sûr, l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et nous réjouissons de l'élan que donne ce projet de loi aux efforts en ce sens. Mais entre la volonté et ce que l'on peut faire, il y a toujours une distance pas toujours facile à calibrer. Il ne faudrait tout de même pas oublier que les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, sont extrêmement fragilisées par la période que nous traversons. Attention, donc, à ne pas les mettre à genoux par des mesures trop contraignantes. Outre la fragilité du tissu économique, nous observons également qu'il y a un décalage entre le calendrier fixé pour la réalisation des objectifs et les possibilités, notamment technologiques, d'y parvenir.
À l'instar du MEDEF, nous souhaitons attirer l'attention de votre commission sur la visibilité que peuvent avoir les entreprises de leur environnement législatif. Plusieurs lois ont récemment été adoptées dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, dont tous les décrets n'ont pas encore été publiés : outre les lois ÉGALIM et AGEC, citons aussi la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN). Essayons donc d'éviter la boulimie réglementaire !
Nous déplorons également l'absence de concertation avec les partenaires sociaux et les branches professionnelles directement concernées, certainement due à la mise en place de la Convention citoyenne, sur laquelle nous exprimons beaucoup de réserves. C'est peut-être là une des raisons pour lesquelles le texte peine à trouver son équilibre.
Le Conseil d'État a souligné la qualité plus que discutable de l'étude d'impact. Elle nous paraît également perfectible.
Le terme d'« écocide », qui a fait les gros titres des journaux, est malheureux en ce qu'il fait de l'écologie un danger plus qu'une opportunité. Le contexte économique, écologique et social dans lequel doit évoluer l'entrepreneur, qui prend des risques, est déjà bien complexe ; en associant judiciarisation et objectifs ambitieux de transition énergétique, on contribue malheureusement à faire de ce texte une loi négative. L'article 68 a déjà fait l'objet d'aménagements, mais des éclaircissements doivent encore y être apportés, notamment sur la notion d'intentionnalité. Les sanctions sont extrêmement sévères si l'intention de nuire à l'environnement est en fait un geste malheureux.
Sur le titre Ier « Consommer », la mesure concernant l'affichage environnemental nous apparaît un peu prématurée puisque tous les décrets d'application de la loi AGEC, dont l'élaboration avait été précédée d'une forte concertation avec les acteurs, n'ont pas encore été publiés.
Je ne suis pas un spécialiste du vrac, mais l'étude d'impact nous semble très légère. Je note simplement que le développement de la pratique du click and collect dans la restauration entraîne celui des emballages individuels, même s'ils sont recyclables, mouvement totalement contraire à l'objectif d'atteindre 20 % des surfaces de vente consacrées au vrac d'ici à 2030. En outre, un tel objectif demande des investissements considérables pour les petits commerces.
La France excelle dans le domaine du recyclage du verre : elle traite 87 % du verre consommé dans le pays, et beaucoup de collectivités territoriales et d'acteurs privés ont déjà réalisé des investissements lourds pour assurer ce recyclage. La mise en place de la consigne des emballages en verre demandera des investissements supplémentaires irréalisables pour beaucoup de petites entreprises. Les spécialistes et les acteurs de ce secteur ne comprennent donc pas cet objectif.
La consultation du CSE prévue dans le titre II « Produire et travailler » est une bonne chose, mais elle doit se faire à périmètre constant. Les représentants du personnel doivent déjà suivre une formation obligatoire de cinq jours pour les missions confiées au CSE et nous venons de signer un accord national interprofessionnel (ANI) dans le domaine de la santé au travail prévoyant cinq jours supplémentaires de formation, soit un total de dix jours. De plus, à chaque renouvellement du CSE, tous les quatre ans, les formations doivent être refaites. Si la loi ajoute de nouvelles contraintes sur le volet écologique, il faudra dédier à temps plein un nombre important de salariés à faire autre chose que de parler vraiment de l'entreprise.
Le titre II traite aussi de la question des marchés publics. En la matière, il faut, bien sûr, encourager les entreprises vertueuses de l'économie circulaire et d'autres domaines, mais nous pensons que les entreprises doivent être évaluées à travers le prisme de la RSE, car elle permet d'évaluer la démarche globale de l'entreprise. Nous défendons donc l'idée de la reconnaissance de labels sectoriels par filière RSE. Si l'évaluation se fait par rapport à tel ou tel critère environnemental, on risque malheureusement d'exclure les petites entreprises de marchés publics. Certaines PME spécialisées travaillent en effet sur l'ensemble du territoire, mais elles n'auront jamais la possibilité d'ouvrir une agence dans chaque département. Pour autant, elles ont une démarche globale qui peut être tout à fait vertueuse en matière environnementale.
Sur le titre III « Se déplacer », nous appelons votre attention sur la nécessité d'une étude d'impact approfondie. Ce titre prévoit l'interdiction ou la réglementation de l'accès des véhicules polluants aux villes de plus de 150 000 habitants d'ici au 31 décembre 2024. Comment le commerçant qui va vendre ses produits sur le marché en camionnette pourra-t-il la changer pour un véhicule qui peut coûter de 50 000 à 150 000 euros ? C'est un investissement que beaucoup de petits commerçants ne pourront se permettre et, même s'ils le pouvaient, l'offre de véhicules propres adaptés à leur activité peut être inexistante. Le risque d'aller trop vite avec cette mesure est de voir des petits commerçants déposer le bilan.
Toujours sur le titre III, et plus spécifiquement sur les transports routiers, nous estimons que la suppression progressive de l'avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) participe d'une vision trop franco-française de ces questions alors que le prisme européen est essentiel pour ne pas courir le risque de voir la France traversée demain uniquement par des camions étrangers.
Enfin, nous partageons l'objectif de réduire par deux le rythme d'artificialisation des sols, mais il faut souligner que le commerce et les services marchands n'y contribuent qu'à hauteur de 5 %. Nous recommandons une gradation dans la mise en place du dispositif prévu par la loi pour atteindre cet objectif, afin de tenir compte de l'évolution démographique des territoires et notamment des zones commerciales périurbaines.