Intervention de Sabine Basili

Réunion du vendredi 26 février 2021 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Sabine Basili, présidente de la commission des affaires économiques de l'Union des entreprises de proximité (U2P) :

. Nous partageons de nombreux points soulevés par MM. Geoffroy Roux de Bézieux et François Asselin, mais je souhaite exprimer nos particularités. L'U2P est depuis longtemps impliquée dans la transition écologique et nous mesurons les enjeux du développement durable. Le recyclage, la gestion performante des déchets, la rénovation énergétique, l'utilisation de véhicules respectueux de l'environnement sont autant de sujets que nous traitons à la fois de façon transversale et au sein de commissions spécialisées.

Nous partageons les objectifs affichés par le projet de loi, mais nous souhaitons qu'ils soient associés aux enjeux économiques, notamment ceux liés à l'emploi. Les petites entreprises que nous représentons prennent de plus en plus la mesure de la responsabilité qui est la leur dans la diminution, à l'échelle des territoires, des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie. Elles prennent également de plus en plus conscience des atouts dont elles disposent en tant que petites entreprises de proximité, tant en matière de développement des circuits courts que d'emploi de matériaux locaux et biosourcés. Il importe toutefois que le projet de loi tienne compte des contraintes et des caractéristiques des petites entreprises afin d'éviter que des milliers d'entre elles ne disparaissent pour n'avoir pas pu résoudre l'équation de développement durable que la loi leur imposerait. Nous y serons vigilants.

Comme le MEDEF et la CPME, nous estimons que l'étude d'impact est insuffisante. Il nous semble que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre auraient dû être plus précisément estimés pour chaque mesure par rapport aux contraintes imposées aux entreprises. Nous regrettons également que, dans le processus d'élaboration du texte, la consultation d'une convention composée de citoyens tirés au sort ait été privilégiée par rapport à la concertation avec les organisations professionnelles.

Ce projet de loi intervient dans un contexte de crise sanitaire dont les effets sont dévastateurs pour la grande majorité de nos entreprises et tout particulièrement pour les plus petites d'entre elles. Nous veillerons à ce que les entreprises ne soient pas encore davantage fragilisées par des contraintes écologiques fortes, même si, bien sûr, nous soutenons les efforts de préservation de notre planète.

Notre organisation rejoint plusieurs des points soulevés par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) dans son avis et soutient, avec d'autres organisations professionnelles et des organisations environnementales, la valorisation des productions locales et nationales afin de permettre aux petites entreprises de se développer.

Quelques articles du projet de loi ont plus particulièrement retenu notre attention. Sur le titre Ier « Consommer », l'obligation d'affichage environnemental à destination du consommateur est certes vertueuse, mais elle pourrait se révéler un vrai casse-tête en termes d'organisation, de coûts et de ressources humaines pour de petites entreprises ou des entreprises artisanales qui développent des produits uniques ou en petites séries. S'agissant de cette contrainte, nous serons vigilants pour les petites entreprises.

Le développement de la vente en vrac est tout aussi important et vertueux, mais nous considérons que les critères d'application définis par le projet de loi ne peuvent concerner de nombreuses épiceries de quartier qui ont une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés et ne fonctionnent pas en libre-service.

Au sein du titre II « Produire et travailler », nous partageons les objectifs poursuivis par l'article 15 sur l'inclusion de critères environnementaux dans l'attribution des marchés publics. Nous appelions d'ailleurs de nos vœux la prise en compte de critères tels que les moindres déplacements ou l'utilisation de matériaux biosourcés pour les travaux. Cependant, nous craignons que cette disposition n'entraîne davantage de contraintes administratives pour des entreprises qui ne disposent ni de la structure ni des ressources en temps et en argent pour obtenir les labels. Le label reconnu garant de l'environnement (RGE) dans le bâtiment va certes dans le bon sens en termes de protection des entreprises et des particuliers, pour autant, il complexifie la vie des entreprises et leur impose des démarches administratives et de formations coûteuses. Il faudra prévoir des aménagements.

Les articles 16, 17 et 18, qui lient l'emploi et la transition écologique, vont dans le bon sens, dès lors que les discussions se passent au niveau de la branche professionnelle. La majorité de nos entreprises comptent moins de 11 salariés et n'ont donc pas de CSE. Pour ces entreprises, la négociation paritaire se fait au niveau de la branche professionnelle. Néanmoins, l'introduction de considérations environnementales dans les discussions avec les salariés est une mesure de bon sens, qui permet de responsabiliser tant le patronat que les salariés, qui contribuent par leur implication dans ces enjeux au développement économique de l'entreprise.

L'article 17, qui prévoit l'inclusion de personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique dans la composition des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP), ne nous pose pas de problème à partir du moment où l'équilibre existant au sein de ces instances n'est pas rompu.

Nous regardons favorablement l'article 18 qui confie aux opérateurs de compétences (OPCO) une mission d'information et de soutien aux petites entreprises sur les enjeux liés à l'environnement.

Nous partageons les craintes exprimées par M. Asselin concernant les échéances fixées dans le titre III « Se déplacer » pour la mise en place dans les villes de plus de 150 000 habitants de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Nous partageons les objectifs fixés par ces dispositions, mais elles risquent, à nos yeux, de limiter l'activité économique d'un grand nombre d'entreprises. Non seulement, l'offre de véhicules utilitaires propres n'est actuellement pas suffisante, mais les entreprises doivent se voir proposer des moyens pour pouvoir renouveler leur parc de véhicules. De surcroît, l'accès des consommateurs aux villes concernées, et donc aux entreprises et aux commerces qui y sont localisés, se trouvera également limité. Il faudra donc travailler sur tous ces aspects.

Le titre IV « Se loger » est consacré à la rénovation globale. C'est une idée que nous partageons avec le Gouvernement, encore faudrait-il que les moyens de nos concitoyens soient adaptés à ces enjeux. La rénovation énergétique globale d'un logement représente souvent un budget conséquent et tous les ménages ne peuvent la financer en une seule fois pour atteindre les objectifs de performance énergétique. Nous préconisons de définir des parcours de rénovation sur des délais raisonnables, accompagnés d'aides de l'État en plus des aides déjà existantes.

L'U2P et la CAPEB souhaitent proposer un amendement prévoyant des groupements momentanés d'entreprises (GME), car une rénovation globale efficace demande la coordination du travail de plusieurs entreprises. De tels groupements permettraient aux entreprises de répondre à la demande des clients de bénéficier d'une offre globale par l'intermédiaire d'un interlocuteur unique. Ils permettraient, en outre, de pallier l'insécurité juridique actuellement attachée à la solidarité des entreprises travaillant ensemble sur un même chantier de rénovation. Cette solidarité oblige, par exemple, les entreprises de maçonnerie et de menuiserie à répondre solidairement aux conséquences d'une erreur de l'entreprise de plomberie ayant causé un sinistre sur le chantier. Il nous paraît préférable que chaque corps de métier puisse assumer, par le biais de son assurance, la responsabilité qui lui incombe.

Enfin, nous estimons que l'objectif de réduction du rythme d'artificialisation des sols fixé par l'article 47 va dans le bon sens, mais nous serons vigilants sur le risque d'un retour des grandes surfaces en centre-ville. Il ne faudrait pas que, afin de préserver les sols situés à la périphérie des villes où ces grandes surfaces sont aujourd'hui implantées, les commerces de proximité, qui se sont à nouveau développés en centre-ville grâce à des mesures de soutien, se trouvent menacés par la concurrence déloyale de la grande distribution.

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