Intervention de Aurore Bergé

Réunion du lundi 8 mars 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier :

La Convention citoyenne pour le climat fait suite à une interrogation fondamentale : après la colère suscitée par la taxe carbone et face à l'urgence du dérèglement climatique, comment associer les Français aux décisions qui les concernent directement et qui ont des conséquences sur leur vie quotidienne ? C'est à cette question que les membres de la Convention se sont employés à répondre. L'enjeu, pour nous, est de parvenir à réconcilier plusieurs visions.

Tout d'abord, réconcilier la démocratie délibérative et la démocratie représentative. On dit notre démocratie fatiguée, la confiance, largement érodée. Il n'est pas possible de laisser entendre que ces deux processus démocratiques seraient concurrents. Pendant nos auditions, nous nous sommes efforcés de conforter, de renforcer, de mettre en perspective, de mesurer les conséquences économiques, sociales et sociétales des propositions formulées.

Ensuite, réconcilier écologie et économie, agriculture et industrie. Nos entreprises, grands groupes et TPE, ETI et PME, nos artisans et commerçants, nos agriculteurs sont et doivent être des alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Personne ne gagnerait à alimenter la défiance. Nous sommes ici les représentants des Français et de personne d'autre. Nous ne légiférons ni sous la contrainte, ni sous la menace mais en liberté et en responsabilité.

Réconciliation, enfin, pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens, qui nous veulent à la hauteur de leur exigence, qui souhaitent que nous leur donnions les moyens de faire entrer l'écologie dans leur vie quotidienne, une écologie d'action, ni punitive, ni dogmatique.

Le titre Ier révolutionnera notre façon de consommer, le préalable à ces changements profonds étant une meilleure information pour nous tous, en tant que citoyens et consommateurs, une information pour éclairer nos choix, pour sensibiliser, pour responsabiliser.

À l'issue d'expérimentations, l'article 1er vise à rendre obligatoire un affichage environnemental. Pour respecter le souhait de la Convention citoyenne, un accent particulier porte sur les émissions de gaz à effet de serre mais nous devons aller plus loin en élargissant les critères pris en compte afin d'expliciter les autres conséquences environnementales. C'est notamment le cas pour les produits agricoles, sylvicoles et agroalimentaires. Demain, cet affichage environnemental devra être clair, lisible, facilement déployable pour les grands groupes comme pour les PME.

Les articles 2 et 3 s'adressent directement à ces futurs citoyens et consommateurs que sont les élèves et les étudiants.

L'article 2 inscrit l'éducation à l'environnement et au développement durable dans les objectifs fondamentaux et les missions du service public de l'enseignement pour donner une base légale à la démarche transversale déjà engagée. Cette « éducation à » devra être déclinée dans toutes les filières, à tous les niveaux, dans toutes les disciplines où cela s'avère pertinent.

Chaque établissement est déjà doté d'un comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté dont l'article 3 étendra les activités aux questions d'environnement.

Le titre Ier traite aussi des enjeux liés à la publicité.

Celle-ci joue un rôle de prescription essentiel, suscite des tendances et devance les attentes des consommateurs comme le prouvent les investissements massifs en faveur des véhicules électriques ou hybrides : s'ils ne représentent que 16 % des ventes de véhicules en France, une publicité télévisuelle sur deux leur est consacrée en matière automobile. La publicité est aussi un levier essentiel de financement de la création, de l'information et de nos médias – à moins que nous ne souhaitions qu'il dépende uniquement des GAFA.

Mesure sans précédent depuis la loi Évin adoptée il y a vingt ans : l'article 4 opère un véritable changement de paradigme en interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, directement responsables du dérèglement climatique.

L'article 5 vise à réduire de manière significative la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services ayant des conséquences négatives sur l'environnement. Il instaure un dispositif de co-régulation reposant sur des codes de bonne conduite, sur le modèle de ce qui a déjà été fait récemment en matière de publicités alimentaires. Ces codes transcriront les engagements figurant dans un « contrat climat » conclu, d'une part, entre les filières, les annonceurs et les médias et, d'une part, le CSA. Les engagements présentés par les filières communication sont clairs : chaque métier intègrera les objectifs de l'Accord de Paris dans sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en reconnaîtra le caractère essentiel. Le Parlement doit pouvoir encadrer, mesurer et contrôler les engagements qui seront pris.

Le titre Ier confie en outre de nouveaux pouvoirs aux maires en matière de régulation de la publicité. L'article 6 décentralise ainsi le pouvoir de police de la publicité en le leur confiant, que la commune dispose ou non d'un règlement local de publicité. Ces dispositions permettent une meilleure adaptation des politiques publiques aux spécificités locales et à la réalité des territoires.

L'article 7 vise l'encadrement des publicités et enseignes situées à l'intérieur des vitrines de nos commerçants, dont il convient de garantir la liberté et le droit de propriété tout en nous préservant des atteintes manifestes à l'environnement. Je vous proposerai de préciser le champ de cet article sur les enjeux de pollution lumineuse.

L'article 8 entend mettre fin à une pratique qui paraît aujourd'hui anachronique : les publicités tractées par avions. Il renforce les sanctions prévues en cas d'interdiction de ces vols, interdiction prévue par décret. Je considère qu'il convient d'accélérer le déploiement de cette mesure en interdisant les avions publicitaires dès la promulgation de la loi.

Après l'autocollant « Stop pub » collé sur les boites aux lettres, l'article 9 instaure le dispositif « Oui pub », à titre expérimental et pour une durée de trois ans. Il conviendra de laisser aux collectivités la possibilité de prévoir des exemptions pour certains secteurs, je pense notamment aux domaines culturel, de la presse ou de la restauration.

L'article 10 interdit la distribution gratuite d'échantillons en l'absence de demande du consommateur. Il permettra ainsi de limiter le gaspillage lié à la distribution et de réduire les déchets.

Enfin, nous débattrons des articles 11 et 12 relatifs à la vente des produits sans emballage primaire, en vrac, et à la consigne des emballages en verre. L'article 11 fixe un objectif ambitieux d'affectation à la vente en vrac de 20 % de la surface de vente des commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés à l'horizon de 2030. Je proposerai une rédaction plus volontariste en transformant la portée de cet article pour qu'il devienne normatif. Nous fixerons un cap et, pour l'atteindre, nous ouvrirons des options aux professionnels concernés.

L'article 12 prévoit que l'obligation d'instaurer une consigne pour réemploi des emballages en verre pourra être généralisée, au plus tôt, le 1er janvier 2025. Je sais qu'il suscite beaucoup d'inquiétudes mais sa rédaction sera améliorée en précisant la nécessité d'un bilan environnemental global positif, notamment, en matière de transports.

Je suis consciente des attentes suscitées par ce texte, tout comme des inquiétudes qu'ont formulées des partenaires sociaux ou des acteurs économiques.

La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif qui nous dépasse et qui doit se faire « avec » et non « contre » : avec les entreprises, avec les industriels, avec les artisans et commerçants, avec les agriculteurs, avec les Français et avec les parlementaires.

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