Intervention de Damien Adam

Réunion du lundi 8 mars 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21 du titre II :

C'est peu dire que la réforme du code minier qui nous est présentée dans ce projet de loi était attendue. Depuis l'annonce d'une première réforme en 2009 et plusieurs projets abandonnés lors des précédents quinquennats, il aura fallu attendre douze ans pour qu'une réforme en profondeur du code minier soit examinée. Il y avait urgence tant ce code, dont la dernière modification substantielle date de 1994 était obsolète. Surtout, il ne répondait plus à nos attentes, sociales et environnementales. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle cette réforme a été intégrée au projet de loi.

Si la Convention citoyenne pour le climat n'a pas traité spécifiquement la question des mines, elle a cependant recommandé un moratoire sur l'exploitation industrielle, minière en Guyane, dans la proposition PT 8.1 - Protection des écosystèmes et de la biodiversité. Il reste que le renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux aux articles 20 et 21 du projet de loi contribuera à l'atteinte des objectifs fixés par la Convention.

L'arrivée de cette réforme dans notre assemblée a été unanimement saluée par l'ensemble des acteurs auditionnés, ainsi que par un grand nombre de parlementaires. Nombre d'entre nous attendent beaucoup de cette réforme, qui touchera directement les activités minières passées, présentes ou futures de nombreux territoires de métropole et d'outre-mer. Cet accueil favorable est aussi le résultat d'une longue concertation sur un préprojet, menée depuis 2018 avec l'ensemble des parties prenantes – collectivités, industriels, associations et ONG.

L'article 20 inscrit dans la loi, sans attendre, plusieurs mesures visant à renforcer l'encadrement des travaux miniers et leur arrêt. Tout d'abord, il étend la liste des intérêts protégés par les travaux miniers à la santé publique, notamment. Cette mention est capitale car elle permettra de mieux prendre en compte la santé des populations riveraines des sites, qu'ils soient fermés ou encore en activité. L'article systématise également une nouvelle participation du public aux décisions relatives à l'arrêt des travaux et à leur suite. Cette étape permettra au public d'éclairer le préfet sur les enjeux locaux, et favorisera une meilleure acceptation du processus d'arrêt de l'activité minière.

L'article 20 tend ensuite à rapprocher le droit minier des exigences applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), afin d'intégrer des garanties fortes concernant l'après-mine. Il étend ainsi à trente ans la police résiduelle des mines, qui permet aux préfets d'obliger l'ancien opérateur à intervenir en cas de menace survenant après la fin de son activité. Il s'agit surtout de prolonger la responsabilité des anciens opérateurs, au-delà de la clôture de la procédure d'arrêt des travaux, ce qui les incitera à se montrer plus responsables en amont de la fin des travaux. Cette mesure permettra de mieux prévenir les affaissements de terrain, l'accumulation de gaz dangereux, ou tout autre risque affectant les divers intérêts protégés par le code minier.

Lors des auditions, un débat a émergé sur le point de départ de ce délai trentenaire : doit-il commencer immédiatement à la déclaration d'arrêt des travaux par l'exploitant, qu'on appelle AP1, ce qui n'inciterait pas les industriels à réaliser rapidement les travaux de remise en état, ou après la validation par l'administration que l'ensemble des travaux de fin d'activité ont bien été exécutés (AP2), alors que ces travaux peuvent prendre plusieurs années ? Je proposerai par voie d'amendement une réponse de compromis, à même de satisfaire l'ensemble des parties prenantes, en faisant démarrer le délai trentenaire lors de l'AP2 par principe, avec la possibilité de se référer à l'AP1 si l'exploitant a respecté les délais de réalisation des travaux.

Enfin, l'article 20 donne la possibilité au préfet ou au ministère public et au liquidateur d'ouvrir une action en responsabilité à l'encontre de la société mère, dont la filiale aurait fait défaut, parce que la société a volontairement laissé en péril une filiale pour se désengager de ses responsabilités. Cette mesure permet à l'État de retrouver un responsable dans l'après-mine.

Outre ces mesures, qui entreront en application dès la promulgation de la loi, l'article 20 organise une réforme en profondeur du code minier par ordonnance. Cette réforme devrait modifier deux tiers du code actuel. Si certains acteurs auditionnés souhaitent qu'elle aille plus loin, ou moins loin, selon les points de vue, tous reconnaissent ses grandes avancées en matière environnementale, notamment.

Le premier point de l'ordonnance vise à doter la France d'une véritable stratégie minière. De nos jours, l'activité minière y est assez limitée : en dehors de l'or en Guyane et du nickel en Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre code minier, et hors hydrocarbures, nous n'exploitons plus que le sel, les calcaires bitumineux et la bauxite en métropole. L'exploitation des granulats marins est également modeste, avec 5 millions de tonnes récoltées par an. La géothermie profonde se développe toutefois.

Le développement des technologies numériques, des énergies renouvelables, des nouvelles mobilités ou de tous les nouveaux usages, génère des besoins de plus en plus massifs en ressources minérales parfois rares. Devant ces besoins, les industriels n'ont aujourd'hui pas d'autre choix que de se tourner vers la production de pays non européens, comme la Chine, dont les exigences environnementales et sociales sont sans comparaison avec les nôtres. L'enjeu est double : garantir notre approvisionnement et notre souveraineté en ressources minérales stratégiques sans dépendre de puissances étrangères et tout en maintenant notre haut niveau d'exigence environnementale. Il est en effet bien plus favorable pour notre planète d'extraire les ressources en France, dans les conditions françaises et pour un usage européen, que de les importer d'autres continents.

La réforme prévoit donc que la France définit des orientations nationales de gestion et de valorisation de ses ressources minières, en se fondant sur un recensement des substances présentes dans les sols français. À ce sujet, les services ministériels m'ont indiqué que l'inventaire des ressources nationales datait déjà de plusieurs années. Dans ce contexte, et au vu des enjeux, il me semble indispensable de relancer le recensement du potentiel minier de notre pays dans l'objectif d'une valorisation des ressources raisonnée et responsable. Cette politique minière devra bien sûr donner la priorité au recyclage des matières et à l'optimisation des technologies consommatrices de ces minéraux, en cohérence avec l'ensemble des politiques que nous menons par ailleurs. En ce sens, le code minier a bien vocation à s'inscrire dans l'objectif de transition écologique qui est le nôtre.

J'en viens maintenant à la meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, point central de la réforme. La plus importante de ces innovations sera la prise en compte de tous les enjeux et de tous les intérêts à protéger, à chacun des stades de la vie juridique du titre minier, avec une analyse environnementale, économique et sociale au moment de l'octroi de l'extension ou de la prolongation d'un titre minier, ce qui ce qui n'est pas prévu aujourd'hui. Les collectivités territoriales seront informées dès la réception d'une demande de titre ou au plus tard à la publication de l'avis de mise en concurrence. Le demandeur devra par ailleurs mettre à disposition du public son dossier de candidature, ainsi que ses réponses écrites aux avis des conseils avant l'ouverture des procédures de participation prévues.

L'article 21 évoque également la possibilité de créer une commission de suivi d'un projet minier, sur laquelle le préfet pourra s'appuyer lorsqu'un site présentera des nuisances, dangers et inconvénients majeurs.

La seconde innovation de la réforme est de doter l'administration des outils juridiques pour refuser un projet minier qui menacerait l'environnement, la santé publique ou d'autres intérêts protégés par le code minier. Aujourd'hui, l'administration n'en a pas la faculté. En dehors de cas bien identifiés par quelques lois, la menace qu'un projet de recherches ou d'exploitation pourrait représenter pour l'environnement ne saurait constituer un motif légitime pour refuser une demande de titre minier, quelle que soit sa gravité. Ce ne sera plus le cas grâce à cette loi : l'autorité administrative pourra refuser un projet en cas de doute sérieux, notamment en matière de conséquences environnementales.

En outre, je voudrais vous convaincre que le code minier entre pleinement dans la modernité. Par exemple la réforme vient désigner l'hydrogène comme une substance de mines, offrant ainsi un cadre juridique protecteur pour l'activité de son stockage souterrain. Cette mesure s'inscrit pleinement dans la logique de transition écologique voulue par ce projet de loi, d'extraire les ressources d'avenir et d'accélérer le développement des technologies pour demain.

Par ailleurs, je souhaiterais évoquer un point plus technique de la réforme, celle de l'évolution du droit de suite : contrairement au droit actuel, le titulaire du titre de recherches, inventeur d'un gisement, n'obtiendrait plus automatiquement permis d'exploiter sous la seule condition de présenter les capacités techniques et financières.

Après avoir tenté de dresser les principales orientations de la réforme du code minier, je ne doute pas que l'examen des amendements nous permettra d'avoir un débat riche et approfondi sur ces sujets.

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