Intervention de Guillaume Garot

Réunion du lundi 8 mars 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot :

Nous sommes plusieurs, dans cette salle, à entamer l'examen de ce texte avec un sentiment d'inachevé. À la lecture des soixante-neuf articles du projet de loi et des 600 pages de l'étude d'impact, c'est la déception qui l'emporte. Chacun connaît les zones à faibles émissions mobilité pour la qualité de l'air ; nous nous trouvons ici face à un texte à faible ambition pour le climat. Bien sûr, il n'est pas question de tout rejeter en bloc, car certaines mesures vont dans le bon sens, mais je suis frappé par l'écart entre l'emphase qui caractérise votre communication – vous avez parlé, madame la ministre, d'une « nouvelle page de l'histoire de notre pays » et de la « République écologique » – et la réalité des mesures contenues dans ce texte, qui souffre à nos yeux de trois insuffisances fondamentales.

Premièrement, ce projet de loi ne nous permettra pas d'atteindre nos objectifs pour le climat. Ce n'est pas moi qui le dis ; je me fais l'écho de tous ceux qui se sont exprimés, ces dernières semaines, pour nous rappeler à l'ordre – le Conseil d'État, le Conseil économique, social et environnemental, le Haut Conseil pour le climat, la Convention citoyenne pour le climat, et même le cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG). Tous font le même constat : nous sommes très loin de poser le jalon nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour notre part, nous allons défendre, tout au long des débats, des mesures réellement fortes et efficaces. Nous demandons par exemple un véritable encadrement de la publicité. Nous souhaitons que, dès 2022, les produits reconnus comme les plus polluants – je pense notamment à certaines catégories d'automobiles – soient purement et simplement interdits. Quant à l'interdiction, en 2028, de la mise en location des passoires thermiques, c'est-à-dire des logements classés F et G, nous souhaitons qu'elle s'applique réellement et directement, au lieu d'être soumise à une intervention du juge. Nous demandons en outre un moratoire quant à l'installation d'entrepôts de e-commerce de plus de 3 000 mètres carrés. Je pourrais encore citer d'autres de nos propositions.

Deuxième insuffisance de ce texte : les moyens qu'il prévoit ne sont pas suffisants pour tenir les ambitions annoncées. Vous dites constamment qu'il ne faut pas aller trop vite, à cause du risque d'inacceptabilité sociale ou économique des mesures proposées – comme s'il fallait toujours envisager l'action publique comme une source de restrictions, de privations, de punitions. Si nous voulons véritablement que ce texte soit suivi d'effet, que l'ambition soit à la hauteur de ce que nous souhaitons, nous devons y mettre les moyens. Nous consacrons bien des moyens à la relance économique… Que faisons-nous par exemple pour intensifier dans la durée – je ne parle pas seulement de la période du plan de relance – les aides et les dispositifs d'accompagnement à la transition dans le secteur des transports ou dans le secteur agricole ? Que faisons-nous pour inciter les ménages à remplacer leurs véhicules anciens par des véhicules moins polluants ? Nous proposons, pour notre part, un prêt à taux zéro garanti par l'État. Que faisons-nous, enfin, pour que les collectivités locales soient responsabilisées financièrement et non simplement juridiquement ? Elles méritent mieux que de récupérer les dossiers qui fâchent, comme celui de l'écotaxe confié aux régions.

La troisième insuffisance de ce texte est sans doute la plus grave, la plus sérieuse à nos yeux : c'est l'absence de justice sociale. Nous pourrions faire de la lutte contre le changement climatique un vrai levier de justice sociale et d'égalité entre les territoires. Nous soutiendrons un moratoire quant à la fermeture des lignes de desserte fine du territoire. Nous défendrons l'expérimentation d'un dispositif « territoires zéro faim » et, plus largement, l'engagement d'une réflexion sur une couverture alimentaire universelle. Nous demanderons une réduction à 5,5 % de la TVA sur les billets de train.

Nous sommes loin de la grande loi attendue dans le pays. Il ne s'agit pas de reprendre à la virgule près les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, mais d'assumer nos responsabilités. À nous d'être à la hauteur de l'ambition fixée par les 150 citoyens de cette Convention ! Pour le moment, nous n'y sommes pas. Mais nous avons cinq semaines, en commission et en séance publique, pour faire de ce texte la grande loi climat dont notre pays a envie et, surtout, dont il a besoin.

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