Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du lundi 8 mars 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

En préambule, je salue la mémoire d'Olivier Dassault. Beaucoup peut être dit contre l'homme ; je retiendrai la chance de l'avoir rencontré. Si nous ne partagions pas les mêmes idées politiques, nous partagions la même idée du sens de l'engagement politique.

Pour en revenir au projet de loi, souvenez-vous, il y a près de deux ans, le Président de la République, ébranlé par la crise des gilets jaunes, nous faisait part de sa volonté de remettre le climat au cœur de notre projet national. Certains observateurs complaisants parlaient de virage écologique.

Les optimistes se sont mis à espérer : espérer que cent cinquante citoyens pourraient être plus forts que les arbitrages ministériels – ces arbitrages qui ont eu raison du ministre Hulot – et plus forts que les renoncements. Leur espoir s'est nourri de l'engagement du Président de la République à traiter les propositions des citoyens « sans filtre », énième promesse non tenue alors que ce projet de loi constitue la dernière chance d'infléchir le cours du quinquennat, de mettre les actes en adéquation avec les grands objectifs inscrits dans nos lois – diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, et je ne parle pas de l'objectif européen.

La présentation du projet de loi a entériné l'échec de cette majorité : tous les observateurs le disent, si ce texte est adopté en l'état, nous aurons seulement accompli la moitié des efforts, qui vont en outre être renforcés. Les membres de la Convention se sont montrés critiques sur le sort réservé à leurs propositions, à juste titre.

Parlons tout d'abord des oublis. La fiscalité environnementale a été écartée alors qu'elle constitue un levier essentiel de la transition écologique. La lutte contre la pollution plastique n'est abordée qu'au travers du développement du vrac. Le phénomène est clairement sous-estimé : d'ici 2050, il y aura plus de plastique en mer que de poissons. La mer Méditerranée ne risque-t-elle pas de mourir sous ce plastique ? Autre angle mort, la gestion de l'eau. Hormis l'article 19, qui relève de l'incantation, votre texte ne propose aucune mesure pour réguler les usages de l'eau ou traiter les nouveaux polluants – médicaments ou microplastiques. Tout est occulté. De trop nombreuses mesures se limitent à des expérimentations ou prévoient des dérogations. En conséquence, on multiplie les dispositions non normatives ou celles prises par ordonnance, loin du concret.

Outre ces lacunes, je m'inquiète de votre vision descendante et centralisatrice. Le groupe Libertés et territoires est convaincu que la préservation des écosystèmes, le défi du changement climatique et les enjeux écologiques et environnementaux nécessitent un changement de paradigme dans le déploiement des politiques publiques, loin de la France centralisatrice. Il faut donner aux territoires, engoncés dans le centralisme jupitérien, les moyens de mettre en œuvre des politiques adaptées. Les enjeux ne sont pas les mêmes à Hazebrouck ou à Bonifacio. Il faut une écologie des territoires. Nous devons avancer dans cette France aux mille fromages.

Pourtant, votre texte impose des réponses nationales aux problématiques locales. S'agissant de la lutte contre l'artificialisation, nous partageons votre volonté de mettre fin à la bétonisation incontrôlée. Toutefois, en imposant uniformément une réduction de moitié de la consommation d'espaces, vous oubliez les dynamiques démographiques propres à chaque territoire. En outre, vous exposez certains territoires en forte croissance à une explosion du mal-logement et au blocage de projets d'urbanisme pourtant essentiels. Je rappelle que la France connaît une croissance démographique de 200 000 habitants par an, soit un million le temps d'un quinquennat – plus que la ville de Marseille.

Vos propositions concernant l'aménagement du territoire sont lacunaires : que faites-vous pour faciliter le confort de vie de nos concitoyens, réduire les temps de trajet et repenser notre organisation territoriale ? Il faut que qu'ils puissent accéder à l'habitat, l'emploi, l'éducation, la santé, les loisirs au sein de leur bassin de vie. Ainsi les territoires seront-ils 100 % accessibles, ce qui limitera la mobilité contrainte, une des principales causes des gaz à effet de serre.

Quant au recours abusif aux décrets et aux ordonnances concernant l'artificialisation, la rénovation énergétique, la réforme du code minier ou encore l'adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte, il témoigne d'une vision centralisatrice, voire d'une forme de mépris du Parlement, bien loin de l'écologie en partage que nous devons porter.

Pour autant, nous ne rejetons pas en bloc le projet de loi. Certains articles vont dans le bon sens et rejoignent des propositions que je porte depuis longtemps, comme le verdissement de la commande publique à l'article 15. Je proposerai d'aller encore plus loin.

Même si 63 % de nos amendements ont été jugés irrecevables, ceux que nous défendrons s'inscriront tous dans cette dynamique : pousser plus loin l'ambition de ce texte afin de permettre à notre pays de rattraper son retard dans la transition bas-carbone, en faisant confiance à la France des différences, à la France des territoires, loin d'un centralisme néfaste. Au vu de la gouvernance depuis 2017, j'ai quelques doutes…

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