Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Le rapporteur général et M. Holroyd regrettaient que l'amendement précédent ne dise pas précisément ce qui allait être interdit. Mon amendement CS4440 devrait les satisfaire, puisqu'il vise très clairement à interdire la publicité pour les véhicules les plus polluants, ceux qui émettent plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre.

Comme l'a rappelé Dominique Potier, les marques savent très bien influencer nos choix de consommation ou de non-consommation, en faisant passer pour indispensables des biens ou services totalement inutiles ou superflus et en nous persuadant que la sobriété n'est pas une solution et qu'il est possible de consommer sans cesse davantage sans altérer la quantité de ressources disponibles ni la qualité de l'environnement.

Les investissements du secteur automobile dans la publicité et la consommation ont été estimés à 4,3 milliards d'euros en 2019, dont 5 % seulement sont consacrés aux gammes de véhicules électriques – et non la moitié, contrairement à ce qui a été affirmé. C'est autant d'argent qui n'est pas investi dans la recherche en faveur de la transition écologique. Il est impossible de préparer la conversion du parc automobile à des modes moins polluants et le développement des transports en commun si la publicité continue de vendre aux citoyens le mythe de l'accomplissement individuel et de l'épanouissement personnel par l'acquisition de véhicules à motorisation thermique.

L'amendement CS4442 vise à interdire la publicité en faveur des bouteilles en plastique jetables. On produit 1 million de bouteilles en plastique par minute dans le monde ; en France, 9,3 milliards de litres d'eau en bouteille plastique jetable ont été bus en 2018. Or seuls 49 % des 25 millions de bouteilles jetées quotidiennement sont recyclés, et les bouteilles en plastique et leurs bouchons font partie des dix déchets que l'on retrouve le plus sur nos plages. Ce n'est pas un problème mineur !

L'amendement CS4441 porte sur la publicité en faveur des vols aériens. En effet, il ne pourra y avoir de transition écologique rapide – alors que c'est urgent – si nous ne nous défaisons pas de l'emprise cognitive que les multinationales ont établie depuis des décennies par ce type de publicités. Nous proposons donc d'interdire celles qui sont les plus problématiques pour la transition écologique : pour des vols particuliers entre deux villes situées en France métropolitaine ou pour des offres de voyage incluant des vols internationaux longs courrier dans le cadre de séjours de moins d'une semaine.

Chaque jour, nous voyons en moyenne 1 200 à 2 200 messages publicitaires et nous subissons 15 000 stimuli commerciaux. Comment les Français pourraient-ils se faire un avis indépendant de ce bombardement publicitaire et cognitif, monsieur le rapporteur général ? Selon un rapport de juin 2020, ce matraquage a pour but non pas d'adapter la marchandise aux besoins réels de l'individu, mais, au contraire, d'accorder ces besoins à l'objectif d'accumulation infinie de marchandises.

Enfin, l'amendement CS443 vise la publicité pour les téléphones portables. On en vend 25 millions chaque année en France, et 50 smartphones par seconde dans le monde. L'empreinte environnementale et le coût social de cette accumulation et de cette rotation rapide sont considérables : il faut 70 kilogrammes de matière première pour fabriquer un seul smartphone, soit 583 fois son poids ; ces appareils sont faits de métaux souvent rares, voire issus de zones de conflit, comme le cobalt ou le tantale, extraits à 80 % en République démocratique du Congo. Selon l'UNICEF, 40 000 enfants travaillent à ces extractions.

Mais la main-d'œuvre dédiée à la fabrication ne pèse que quelques euros dans le coût final de ces téléphones qui nous arrivent par milliers par porte-conteneur et par avion, de sorte que l'empreinte écologique est concentrée à 90 % dans la fabrication et le transport. De plus, elle augmente d'année en année. Sur les 47 millions d'iPhone vendus en 2010, seuls 10 % ont été recyclés. Pire, la plupart des fabricants, Apple et Samsung en tête, collent ou soudent les batteries à l'intérieur du téléphone pour compliquer l'entreprise déjà très ardue de recyclage.

À cela s'ajoute l'obsolescence programmée, matérielle et logicielle : 88 % des téléphones qui sont remplacés fonctionnent encore, selon l'ADEME. C'est toujours le bombardement publicitaire qui nous pousse à nous séparer ainsi d'appareils en état de marche.

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