Intervention de Charles de Courson

Réunion du jeudi 15 juillet 2021 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au haut conseil des finances publiques et à l'information du parlement sur les finances publiques ainsi que la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Nous discutons, depuis des années, de la rétroactivité des lois fiscales. Pourtant, nous n'avons jamais légiféré sur ce point au niveau organique, de sorte que ce sont le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État qui se sont prononcés sans que leurs jurisprudences soient toujours exactement identiques. Par cet amendement, je vous propose que nous définissions nous-mêmes ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, en la matière.

Inspiré de ma proposition de loi organique limitant le recours aux dispositions fiscales de portée rétroactive examinée par la commission des lois le 31 mars 2021, il vise ainsi à consacrer au niveau organique les règles encadrant la rétroactivité fiscale.

Le deuxième alinéa élève au niveau organique le principe prévu à l'article 2 du code civil s'agissant de l'application dans le temps des dispositions fiscales.

Le troisième alinéa définit la disposition fiscale à caractère rétroactif comme une disposition qui s'applique à un fait générateur de l'impôt survenu avant l'entrée en vigueur de cette disposition. Il précise que le fait générateur de l'impôt applicable aux opérations dont la réalisation donne lieu à déclaration et paiement immédiats de l'impôt, tels que les prélèvements forfaitaires obligatoires, correspond à la date de réalisation de l'opération.

Le quatrième alinéa clarifie les exceptions au principe de non-rétroactivité des dispositions fiscales.

D'une part, il intègre les solutions dégagées par les jurisprudences européenne, constitutionnelle et administrative s'agissant de la protection des garanties légales découlant des exigences constitutionnelles, des situations légalement acquises et des effets pouvant être légitimement attendus de telles situations. Le but est ici d'encadrer les conséquences de la « rétroactivité économique » des dispositions fiscales par laquelle celles-ci, bien que non rétroactives sur le plan strictement juridique, aboutissent à remettre en cause les bases de calcul microéconomiques sur lesquelles les contribuables ont fondé leurs décisions d'épargne ou d'investissement.

D'autre part, il renforce considérablement le contrôle déjà opéré par la jurisprudence des dispositions fiscales entraînant une véritable rétroactivité juridique. Il précise que ces dispositions ne sauraient justifier l'application d'un intérêt de retard aux contribuables ni s'appliquer aux procédures contentieuses en cours. En l'état actuel de la jurisprudence, il est simplement exigé que ces dispositions fiscales rétroactives ne portent pas atteinte aux seules décisions de justice passées en force de chose jugée, ce qui est inéquitable au regard des contentieux en cours.

Le quatrième alinéa prévoit également la justification du caractère rétroactif de ces dispositions et l'évaluation de leurs conséquences financières pour les contribuables.

Le cinquième alinéa garantit l'intangibilité des régimes fiscaux auxquels sont soumis les contrats d'une durée comprise entre un et quinze ans, dès lors que leur modification porterait une atteinte sensible à leur équilibre financier. Cette disposition renforcerait ainsi la stabilité des règles fiscales et réduirait les risques de la « rétroactivité économique » en protégeant le principe d'espérance légitime des contribuables consacré par la jurisprudence.

Enfin, le dernier alinéa garantit l'effectivité du contrôle parlementaire afin d'assurer le respect des dispositions prévues par le présent amendement.

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