Ma première question porte sur l'articulation entre l'article 1er du projet de loi, qui affirme les principes de neutralité et de laïcité y compris pour les organismes privés gérant un service public – ce qui est le cas de tous les établissements privés, notamment sous contrat –, et le maintien du caractère propre de ces établissements privés. Dans son avis, le Conseil d'État indique que le champ d'application de l'article 1er « vise à ne pas remettre en cause des restrictions à l'application du principe de laïcité du service public aujourd'hui admises par des lois, telles que les dispositions du code de l'éducation relatives aux établissements d'enseignement privé ou celles du code de la santé publique relatives aux établissements de santé privés d'intérêt collectif […] ». Ne faudrait-il pas le mentionner explicitement ?
Par ailleurs, le projet de loi ne semble pas permettre de s'assurer que l'ensemble des enfants de 3 à 16 ans bénéficient effectivement de l'instruction en France. Ne faudrait-il pas vérifier que l'intégralité de ces enfants soient inscrits dans une école publique ou privée, ou fassent l'objet d'un enseignement en famille, en s'appuyant sur les fichiers de l'INSEE, comme l'un de nos collègues le proposait tout à l'heure ? Les maires, auxquels la loi a confié le soin de vérifier l'exhaustivité de l'instruction des enfants de leur commune, n'ont pas les moyens d'accomplir cette tâche, en particulier dans les villes les plus peuplées.
Ma troisième question concerne l'instruction en famille. Pourquoi en êtes-vous arrivés à substituer à l'obligation d'instruction l'obligation de scolarisation ? Depuis les lois de la fin du XIXe siècle, l'enseignement en famille est l'une des formes possibles d'instruction publique. Vous entendez limiter cette possibilité à quatre cas spécifiques, le quatrième étant « l'existence d'une situation particulière propre à l'enfant ». Il faut préciser ce terme. Plusieurs familles qui éduquent elles-mêmes leurs enfants m'ont par exemple expliqué qu'elles le faisaient pour des raisons psychologiques ; elles font valoir que leurs enfants, psychologiquement fragiles, apprennent mieux en étant soumis à des horaires différents de ceux de l'éducation nationale. Seriez-vous prêt, Monsieur le ministre, à soutenir des amendements visant à préciser à quoi correspond cette « situation particulière propre à l'enfant » ?
Enfin, combien d'enfants éduqués en famille ont-ils été endoctrinés et sont-ils devenus des séparatistes, voire des terroristes ? Certains terroristes ont-ils fait l'objet d'un enseignement en famille ? Tous ceux que j'ai vus ont été scolarisés à l'école publique. La limitation de l'instruction en famille permettra-t-elle vraiment de lutter contre le séparatisme ?
Voilà, Monsieur le ministre, les quatre questions que vous pose le représentant d'un groupe très attaché à la liberté, sous toutes ses formes.