Je l'ai expliqué tout à l'heure, les mesures contenues dans ce projet de loi n'auraient pas permis d'éviter l'assassinat dramatique de Samuel Paty. À ce sujet, je pense qu'il y a eu un dysfonctionnement de l'éducation nationale, comment tend d'ailleurs à le montrer la récente interview de l'avocat de la famille Paty – nous en parlerons dans un autre cadre, mais je ne veux pas que nous mentions aux Français.
Vous l'avez dit, Monsieur le ministre, l'école publique est la matérialisation concrète de la République. Elle est la caisse de résonance de tous les maux de la société. Elle a été singulièrement affaiblie ces dernières années, et ce projet de loi ne résout rien.
Tout d'abord, l'école publique est soumise à une concurrence déloyale de l'enseignement privé sous contrat. Nous devons nous demander pour quelle raison, au fil des années, de plus en plus de parents mettent leurs enfants dans le privé. En réalité, ils constatent souvent une dégradation de l'école publique et estiment que l'école privée apporte des réponses que l'école publique n'apporte pas. Nous devons donc imaginer une école publique conquérante. Mais le fond du problème, c'est que nous finançons aussi l'école privée. Les Français savent-ils que 12 milliards d'euros d'argent public – 20 % des recettes de l'impôt sur le revenu – servent à financer l'enseignement privé sous contrat, qui est à 97 % confessionnel ? (Exclamations.) Il y aurait matière à contrôler davantage ce type d'enseignement, ce que le projet de loi n'envisage pas du tout. Je vous ferai la liste de tous les établissements privés sous contrat où se sont encore passées récemment des choses absolument intolérables. Je pense à l'utilisation de manuels présentant des contenus homophobes, à des violences… Au collège Stanislas, à Paris, on a déploré dernièrement des violences répétées de la part d'un éducateur, alors qu'une forme d'omerta règne dans l'établissement. Mais dans ce texte, on ne touche pas à l'enseignement privé sous contrat, dont je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes en réalité un ami. (Protestations.) Vous avez promu, dans des quartiers de Seine-Saint-Denis, des écoles privées comme celles du réseau Espérance Banlieue, en affirmant qu'elles donnaient l'exemple. Vous avez tort de faire cela. La scolarisation dès 3 ans a d'ailleurs constitué pour ces établissements un effet d'aubaine, car elle leur permet de recevoir plus d'argent public. Nous ne pouvons pas concevoir de mesures significatives visant à revigorer l'enseignement public sans mettre fin à cette concurrence déloyale, sans cesser de donner des moyens au privé. C'est ainsi que nous redonnerons aux familles confiance en l'école publique.
De plus en plus de gens scolarisent leurs enfants à la maison, mais 67 % de ces familles sont contrôlées par les services de l'éducation nationale – on pourrait même imaginer des contrôles supplémentaires. Quels sont les chiffres qui montrent que ces familles favorisent des phénomènes de radicalisation liée à l'islam ? En réalité, ces phénomènes sont quasi inexistants. Ce n'est pas la radicalisation liée à l'islam qui pousse les familles à garder leurs enfants chez eux, mais une inquiétude face à l'école publique ou une volonté de pédagogies alternatives. Puisque ce projet de loi est censé nous permettre d'agir rapidement, vous devez nous apporter plus d'éléments sur ces tendances et améliorer votre étude d'impact.
De même, vous savez très bien que les écoles confessionnelles liées à l'islam représentent à peine 5 % de l'ensemble des écoles hors contrat. Là encore, ce projet de loi ne nous donne pas toutes les clés pour bien comprendre ce phénomène.
Il existe dans notre pays des départements où, à l'école publique, l'éducation civique est remplacée par une éducation religieuse : je veux parler de l'Alsace-Moselle, où cet enseignement représente une heure de cours par semaine. Allons-nous accepter que les élèves des écoles publiques de ces départements continuent d'être privés d'une heure d'enseignement civique dont bénéficient leurs camarades des autres départements français ? Allons-nous accepter cette emprise de l'enseignement religieux en Alsace-Moselle ? Au-delà des thèmes d'agitation que vous mettez en avant, je vous apporte ici des éléments concrets.
Je termine en soulignant l'absence réelle de mixité scolaire, notamment en Seine-Saint-Denis, où les établissements publics n'accueillent plus que les enfants des classes les plus défavorisées. Les classes moyennes ont quitté l'enseignement public : c'est à cela qu'il faut remédier au lieu d'agiter des thèmes qui divisent le pays.