Intervention de Marie-Claude Kervella-Boux

Réunion du mardi 5 janvier 2021 à 8h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Marie-Claude Kervella-Boux, présidente de la Grande Loge féminine de France :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, si le terme de laïcité ne figure pas dans le titre du projet de loi, la primauté donnée à la laïcité reste sous-jacente dans ce texte et la loi du 9 décembre 1905 est directement concernée par de nombreux articles.

La Grande Loge féminine de France, avec 14 000 membres, est la première obédience féminine mondiale. Dans notre déclaration de principes, nous avons tenu à parler de la laïcité : « La Grande Loge féminine de France proclame sa fidélité à la patrie ainsi que son indéfectible attachement aux principes de liberté, de tolérance, de laïcité, de respect des autres et de soi-même. » Elle déclare aussi « œuvrer à l'accomplissement et au respect des droits des femmes, conditions indispensables à l'universalité des droits humains ».

En tant que femmes franc-maçonnes, travaillant en loge pour nous construire et construire la cité, nous savons ce que la laïcité nous apporte. Sans la laïcité, nous n'aurions pas acquis la liberté qui est la nôtre aujourd'hui. Elle nous a émancipées par rapport au dogme religieux, favorisant l'égalité des hommes et des femmes, le droit des filles comme des garçons à l'instruction, le droit de vote pour les femmes, leur accès à la contraception, à l'égalité professionnelle et à la parité en politique, ainsi que le mariage pour tous, d'où l'importance toute particulière que nous accordons à ce projet de loi.

Depuis plusieurs années, en interne, dans notre obédience, notre commission nationale de la laïcité nous alerte lors des attaques multiples portées contre ce principe et nous informe des combats menés par les associations et mouvements laïques pour défendre et promouvoir ce principe, qui est un pilier de notre République. Les revendications communautaristes se sont de plus en plus manifestées depuis les années 1980. Depuis l'épisode des lycéennes de Creil, les attaques portées à la loi de 1905 n'ont pas cessé.

Les revendications régressives remettent en cause nos libertés individuelles, comme les actions d'opposition à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), l'exigence d'un certificat de virginité, les obstacles au droit de mourir dans la dignité, l'inégalité entre les hommes et les femmes, revendications portées par des responsables et des mouvements religieux relevant du communautarisme. Et le nombre d'écoles hors contrat continue de progresser sur notre territoire.

Il nous faut aussi souligner l'abandon des structures locales, régionales ou nationales laïques, comme les patronages, les colonies de vacances ou le suivi scolaire, au profit de structures confessionnelles ou sectaires, ainsi que la démission face à l'application stricte des règles et des lois votées. Quid, par exemple, des amendes pour les femmes intégralement voilées sur la voie publique ?

Depuis 2005, les espaces publics, l'école, les services publics sont le théâtre de nouvelles tensions, qui sont autant de remises en cause involontaires où délibérées des règles régissant la vie en société. Certaines de ces tensions sont révélatrices de la contestation de la légitimité même de la loi républicaine par de nouveaux fondamentalismes religieux, convaincus du primat des préceptes religieux sur le droit institutionnel.

Ces remarques ne sont pas exhaustives. En revanche, il est certain que le manque de travail social associé à une absence de construction culturelle favorise le développement du communautarisme comme refuge et constitue un danger constant pour la République, qui est fondée sur le principe d'égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens, quels que soient leur sexe et leur origine, leurs convictions et leur appartenance religieuse.

Les événements qui ont dernièrement secoué la France ont accentué l'urgence pour le Gouvernement de réagir, en dotant notre pays de nouveaux outils. Nous avons pris connaissance des articles de ce projet de loi. Ils sont porteurs d'espoir pour renforcer les principes républicains, qui sont le socle de notre République laïque actuellement malmenée. Ils clarifieront probablement certains points, comme le statut des associations cultuelles, la neutralité religieuse dans le service public, les écoles hors contrat, l'enseignement à domicile et le financement des cultes d'origine étrangère. Nous pourrons, si vous le souhaitez, revenir plus en détail sur ces différentes dispositions.

Nous avons le privilège, dans notre pays, d'exprimer notre engagement citoyen de liberté, d'égalité et de fraternité au sein d'une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Pour vivre dans un pays en paix, il est important de réaffirmer la suprématie de la loi civile sur des préceptes religieux, ainsi que la priorité à donner à l'école publique et laïque, et au non-financement des cultes par l'État. Aussi, nous, franc-maçonnes de la Grande Loge féminine de France, souhaitons exprimer notre intérêt pour certaines dispositions de ce projet de loi et apporter notre contribution à un renforcement effectif de nos principes républicains. Nous resterons toujours vigilantes et en alerte, car les équilibres demeurent fragiles. Il est essentiel de préserver nos libertés individuelles et d'œuvrer à la construction d'une vie en société préservant nos droits communs.

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