Intervention de Georges Voileau

Réunion du mardi 5 janvier 2021 à 8h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Georges Voileau, Grand Maître national de la Fédération française de l'Ordre maçonnique mixte international Le Droit humain :

L'ordre maçonnique mixte international Le Droit humain a vu le jour en 1893. Nous sommes la deuxième plus ancienne obédience a-dogmatique de France. Nous sommes aussi les premiers à avoir proclamé l'égalité des femmes et des hommes, principe fondateur inscrit dans notre constitution internationale. La fédération française, que j'ai l'honneur de présider, est forte de 16 500 membres. Nous allons bientôt fêter notre centenaire, puisque nous avons vu le jour en novembre 1921.

Notre démarche, tournée vers le progrès de l'humanité, repose sur deux piliers : le perfectionnement personnel, grâce à une démarche initiatique, et l'amélioration permanente des conditions de vie des femmes et des hommes dans la société civile. C'est pourquoi, au sein de notre obédience, un grand nombre de francs-maçons sont engagés dans des associations. Cette démarche d'amélioration continue est fondée, en France, sur nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité, ainsi que sur la laïcité, dans le respect de la liberté absolue de conscience. Je dois reconnaître que promouvoir la notion de laïcité au niveau international est un sport de haut niveau.

La fédération française approuve les grandes lignes du projet de loi. Nous constatons que le principe coercitif de la loi, qui vise à lutter contre le radicalisme religieux à l'origine d'actes criminels commis envers la République et ses institutions, envers la nation et ses membres, est souvent présenté dans les médias comme dirigé contre l'islam radical. Or, nous tenons à le souligner, les dérives auxquelles s'attaque ce projet de loi ne sont pas le fait de cette seule confession. Celles que l'on observe dans l'enseignement à domicile ou dans les écoles privées hors contrat concernent toutes les religions et les mouvements sectaires. Il en va de même pour la question des mariages forcés. Si nous insistons sur ce point, ce n'est pas par angélisme ou par naïveté. Les maçons que nous sommes doivent porter leur regard au-delà de l'actualité et savoir prendre en compte les mouvements de fond de notre société.

Particulièrement attachés aux principes républicains, nous tenons à ce que cette loi, dont l'objectif est de lutter contre toute forme de radicalisation religieuse ou sectaire, n'entrave pas la liberté d'organisations, associations ou individus qui ne sont en aucune manière concernés ni ne constituent une menace pour la République – je pense, par exemple, à l'instruction dans le cadre de la famille.

Face aux attentats terroristes perpétrés par des islamistes radicaux, on peut comprendre que l'État cherche à renforcer et à élargir les dispositifs légaux pour éradiquer ce phénomène. Cependant, tous les citoyens ou résidents sur le territoire français de culture ou de religion musulmane ne sont pas les ennemis de la République. Par ailleurs, on peut se demander si les lois existantes en matière de sécurité publique, pourvu qu'on les applique dans toute leur rigueur, ne sont pas suffisantes pour faire face à ces attaques.

Nous souhaitons que le projet de loi visant à conforter les principes de la République s'accompagne d'un projet visant à faire vivre ces principes concrètement, notamment en matière de mixité sociale et d'égalité des chances. Les territoires perdus de la République ne sont pas perdus pour tout le monde. Les insuffisances et les échecs de trente ans de politique d'intégration sont patents : quand de vrais ghettos urbains se forment où l'on n'est plus qu'entre soi, où l'on prône le repli et la mise en congé de la société, où l'État n'est plus présent, comment aller vers la République et saisir la main fraternelle qu'elle nous tend ?

Deux points retiennent notre attention : l'enseignement en famille ou à domicile, auquel nous sommes attachés, et la nécessaire élaboration d'un projet d'intégration. La lutte pour conforter les principes de la République repose en effet sur deux piliers. L'un, régalien, est constitué des mesures d'ordre public destinées à lutter contre le radicalisme religieux et sectaire ; l'autre, social, vise à améliorer l'égalité des chances et à lutter contre les discriminations, en favorisant notamment la mixité sociale. Le groupe majoritaire a présenté seize mesures qu'il ne nous appartient pas de commenter ici. En tout état de cause, nous resterons vigilants, car doit pouvoir émerger de ce débat un ensemble cohérent de propositions visant à remédier aux problèmes structurels de notre société.

Nous identifions des oublis, s'agissant notamment des accompagnants scolaires et plus largement des participants occasionnels au service public. Nous déplorons par ailleurs des insuffisances, notamment en ce qui concerne la réserve héréditaire, les mariages forcés, la polygamie et la fermeture des écoles hors contrat. Enfin, nous demandons l'abrogation de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et la suppression de la possibilité pour les associations cultuelles d'exploiter des biens immobiliers. Nous pouvons aussi légitimement soulever la question des moyens financiers qui seront mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par la loi.

La commission des droits de l'homme et de la laïcité de la fédération française, présidée par M. Sylvain Zeghni, a rédigé sur le projet de loi une note que nous tenons à votre disposition. Nous espérons que les échanges de ce matin nous permettront de vous présenter nos arguments et nos propositions.

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