Intervention de Dominique Goussot

Réunion du mardi 5 janvier 2021 à 8h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Dominique Goussot, vice-président de la Fédération nationale de la libre pensée :

Les associations cultuelles, depuis 1905, ont un seul objet : l'exercice public du culte. Si on leur donne la possibilité de gérer un patrimoine acquis gratuitement, elles auront un autre objet : celui de gérer ce patrimoine. Or le législateur avait tenu, en 1905, à distinguer nettement les associations cultuelles et les associations de droit commun sur ce point : c'était même un critère essentiel. Alors que la loi de 1901 prévoyait que les associations pouvaient posséder un patrimoine acquis à titre gratuit et en faire ce qu'elles voulaient, le législateur a décidé, en 1905, compte tenu du caractère très particulier des associations cultuelles, que celles-ci ne pourraient pas avoir un tel patrimoine. Toucher à ces dispositions, c'est modifier en profondeur l'équilibre établi en 1905.

J'en viens à la question des associations mixtes. Au départ, il n'était pas question de donner aux associations de droit commun le pouvoir d'exercer le culte. Le législateur du début du XXe siècle avait bien distingué le droit commun de la liberté d'association du problème particulier de l'exercice du culte. Il se trouve que l'église catholique a refusé cette distinction et qu'il a fallu, pour assurer l'exercice public du culte catholique, permettre à la fois à des personnes physiques et à des associations de droit commun d'exercer le culte. Cela a introduit une certaine confusion.

Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas modifier les textes, mais si nous le faisons, revenons à la situation de 1905 qui, intellectuellement, est extrêmement claire. Il y a, d'un côté, le droit d'association, qui a valeur constitutionnelle et, de l'autre, la liberté de conscience, avec l'exercice public du culte, qui nécessite un dispositif particulier pour contrôler le non-financement public du culte – l'un des grands principes de la loi de 1905 – et s'assurer que les associations cultuelles ne remettent pas en cause l'ordre public. En tout cas, je ne pense pas qu'il faille aller jusqu'aux mesures extrêmement sévères prévues par ce projet de loi. L'article 35, par exemple, reprend l'essentiel des délits visés à l'article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse mais il prévoit une sanction infiniment plus lourde. Or le Conseil d'État a dit, et je pense qu'il a raison sur ce point, que si l'on veut appliquer la loi de 1881, il faut appliquer toute la loi de 1881 et rien que la loi de 1881. Pourra-t-on l'appliquer ? Je n'en suis pas sûr, mais l'affichage politique est inquiétant de ce point de vue.

Le contrat d'engagement républicain n'a pas la nature d'un vrai contrat, comme l'a souligné le Conseil d'État. Il peut, en outre, poser certains problèmes. Prenons l'exemple d'une association de femmes immigrées de culture musulmane qui œuvre à l'intégration dans les quartiers difficiles. Va-t-on leur demander, au moment de leur accorder une subvention, d'adhérer à des valeurs ou à des principes ? Ne suffit-il pas que leur travail soit utile ? De même, va-t-on, au nom de l'égalité entre les hommes et les femmes, interdire toutes les associations masculines ou féminines ? Cela pose de sérieux problèmes…

Vous nous demandez, monsieur de Courson, si ce texte sera efficace. Il me semble que le droit existant, qui a été fortement enrichi pour lutter contre le terrorisme, offre déjà d'importants moyens : on peut fermer des lieux de culte, et le ministère de l'intérieur s'en prévaut pour montrer qu'il agit. Dans ces conditions, je ne crois pas que le texte contribuera à améliorer la situation. Ce qu'il faut, c'est renforcer les moyens des services de renseignement. Sur la question du financement, Tracfin fait également un travail fabuleux.

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